Rétrospective 2020 : La fin de la Commission canadienne du blé a été une tragédie économique
Le 1er août 2020 marque le 8e anniversaire de l’une des plus grandes tragédies économiques de l’histoire du Canada. C’est ce jour-là que le boulet de démolition lancé par le Premier ministre de l’époque, Stephen Harper, et l’ancien ministre de l’Agriculture, Gerry Ritz, a finalement détruit l’une des plus importantes institutions œuvrant en faveur de la justice économique pour les fermiers : la Commission canadienne du blé (CCB). Dans un acte malveillant motivé par une doctrine erronée, ils ont choisi d’éliminer la CCB par le biais de la loi sur la liberté de commercialisation pour les fermiers, au titre orwellien.
La CCB était un organisme de renommée mondiale qui fournissait de manière fiable du blé et de l’orge de l’Ouest canadien de qualité supérieure à des clients au Canada et dans le monde entier et obtenait un prix supérieur pour les fermiers grâce à son pouvoir de vente à guichet unique. Les fermières participaient également aux bénéfices générés tout au long de l’année grâce à la mise en commun annuelle des ventes nettes, un paiement final étant effectué lorsque les résultats de l’année étaient comptabilisés. Les fermières peuvent se retirer des pools grâce à divers autres outils de commercialisation proposés par la Commission, ou elles peuvent commercialiser leurs céréales directement auprès des acheteurs par le biais d’un programme de rachat très peu coûteux. Avec la CCB, les fermiers avaient vraiment le meilleur des mondes pour commercialiser leur blé et leur orge.
Avant la destruction de la CCB, Stephen Harper et Gerry Ritz ont fait un pied de nez à la démocratie en limogeant les membres du conseil d’administration élus par les fermiers et en refusant de permettre aux fermiers de voter sur le maintien de la CCB en tant qu’agence de commercialisation, comme l’exigeait la loi en vigueur à l’époque. Ils savaient que la majorité des fermiers souhaitaient maintenir la CCB. Harper et Ritz ne l’acceptent pas.
Pour ne rien arranger, après avoir démis de leurs fonctions les administrateurs élus par les agriculteurs, qui étaient majoritaires au conseil d’administration, les membres restants du conseil d’administration nommés par le gouvernement ont utilisé le fonds de prévoyance de 145 millions de dollars, constitué des revenus des fermiers, pour acheter des silos qui ont ensuite été cédés – ainsi que d’autres actifs de la CCB, notamment des wagons-trémies, des locomotives et des cargos lacustres – à la multinationale céréalière Bunge et à la Saudi Arabian Land and Agricultural Investment Company, qui fait aujourd’hui des affaires sous le nom de G3.
Ironiquement, les quelques personnes qui se plaignaient du manque de transparence de la CCB – en dépit de ses rapports annuels détaillés – travaillent aujourd’hui dans un système dominé par des multinationales céréalières qui ne divulguent pratiquement rien. C’est d’autant plus rageant que la CCB nous permettait de participer directement à la commercialisation de nos céréales et d’exercer un contrôle démocratique par l’intermédiaire de nos administrateurs agriculteurs élus.
Dans le cadre de la CCB, les ventes d’orge de brasserie généraient des primes importantes en raison de son utilisation finale dans l’industrie brassicole. Aujourd’hui, les primes de prix sont une plaisanterie. Les sociétés céréalières offrent moins d’un dollar par boisseau, parfois seulement quelques centimes, par rapport aux prix de l’orge fourragère. Les entreprises céréalières s’approprient la valeur de la prime. C’est également le cas pour les ventes de blé, où les acheteurs manipulent les niveaux de base pour s’approprier la majeure partie de la valeur accrue lorsque les prix à l’exportation augmentent (la base est constituée de divers frais, dont le fret, la manutention et l’arbitrage). Les prix perçus par les fermières ont plus ou moins stagné, oscillant autour de 6 dollars le boisseau depuis la perte de la CCB. Ce sont les prix des années 1970 !
Aujourd’hui, tout le monde devrait avoir un recul de 20:20 et voir l’ampleur des pertes subies par les fermiers et l’économie canadienne suite à la destruction de la CCB. La Nationale des Fermiers avait prédit ces résultats il y a des années et savait que la lutte pour sauver la CCB était la bonne ! Aujourd’hui, les fermières sont dominées par quelques multinationales céréalières qui ont soutiré des milliards à l’économie canadienne aux dépens des agriculteurs. Honte à Stephen Harper et à Gerry Ritz.
Terry Boehm a été président de l’UNF de 2010 à 2014. Il est agriculteur à Colonsay, dans le Saskatchewan.