L’histoire de deux tarifs douaniers sur le canola : Les droits de douane chinois ne portent que sur une petite partie de la production canadienne de canola.
Les gros titres sur les droits de douane imposés par la Chine sur le canola suscitent l’inquiétude des fermières. De nombreux médias populaires et influents laissent entendre que ces droits de douane s’appliquent à l’ensemble du canola, alors qu’en réalité ils ne concernent que les importations chinoises d’huile et de tourteaux de canola, et non les importations de graines de canola. Ces articles mettent l’accent sur le taux tarifaire (100 %), mais pas sur le fait qu’il n’affecterait que la partie de la production totale de canola qui est broyée pour l’exportation vers la Chine. Lorsque les fermières vendent le canola au silo, elles sont payées pour le produit en vrac : c’est le transformateur qui vend les produits de la trituration – l’huile et le tourteau – et l’utilisateur final paierait les droits de douane ou achèterait un autre produit.
En revanche, les États-Unis menacent d’imposer des droits de douane de 25 % sur toutes les importations, y compris l’huile, le tourteau et les graines de canola. Cette mesure affecterait plus de 5,6 milliards de dollars d’huile de canola en provenance du Canada en 2024, soit une valeur exponentielle supérieure à celle de 20 millions de dollars de la Chine. De même, en 2024, les importations américaines de tourteau de canola canadien s’élevaient à 1,8 milliard de dollars, soit environ deux fois la valeur des 918 millions de dollars canadiens de la Chine.
À l’automne 2024, la Chine a annoncé qu’elle imposerait des droits de rétorsion à compter du 20 mars 2025 sur le tourteau de canola et l’huile de canola du Canada, après avoir constaté que l’imposition par le Canada de droits de douane de 100 % sur ses véhicules électriques et de 25 % sur l’aluminium et l’acier était discriminatoire. Ces droits de douane canadiens correspondent aux droits de douane de 100 % imposés par les États-Unis sur les véhicules électriques chinois, tandis que l’Union européenne a imposé des droits de douane de 37,5 % sur les véhicules électriques chinois à la même époque. Dans les trois cas, l’objectif est de limiter la concurrence des VE chinois moins coûteux afin de promouvoir le développement des secteurs nord-américain et européen de la fabrication de VE.
Les États-Unis, qui n’ont pas été provoqués par le Canada et qui sont censés être un partenaire dans les accords commerciaux ACEUM, menacent d’imposer des droits de douane de 25 % sur l’ensemble du canola canadien qu’ils importent – graines, huile et farine – à compter du 2 avril 2025. La valeur totale des graines, de l’huile et du tourteau de canola exportés vers les États-Unis en 2024 s’élevait à 7,7 milliards de dollars, dont seulement 237 millions de dollars de canola en vrac. Les droits de douane sur ce volume de ventes ajouteraient 1,925 milliard de dollars aux recettes fiscales américaines (payées par l’importateur), soit plus du double de la valeur des droits de douane de rétorsion de la Chine.
La Chine est disposée à négocier la suppression ou la réduction de ses droits de douane. Toutefois, tant que ces droits de douane sur l’huile et le tourteau seront en vigueur, la Chine trouvera probablement d’autres sources d’approvisionnement pour ces produits, comme l’Australie, ou importera peut-être davantage de canola canadien en vrac pour le triturer. En 2024, la valeur totale des exportations canadiennes d’huile et de tourteau de canola vers la Chine s’élevait à 938 millions de dollars.
L’impact probable des droits de douane américains est plus difficile à évaluer, car le président Trump semble utiliser les droits de douane comme une arme pour affaiblir les économies d’autres pays ou comme une punition pour des infractions perçues. Si les menaces de droits de douane sont imposées à tous les produits échangés par la plupart des pays, la capacité des acheteurs américains à s’adapter en trouvant des produits de substitution ou des sources alternatives sera limitée. La capacité des fermières américaines à produire suffisamment pour combler les lacunes éventuelles sera affectée par les prix plus élevés qu’elles devront payer pour les intrants importés, et les rendements pourraient être affectés par la gravité croissante des effets du changement climatique. Le marché américain des huiles végétales de toutes sortes – soja, maïs, palme, canola – destinées aux biocarburants est très incertain, car la viabilité du secteur dépend de la politique gouvernementale, qu’il s’agisse d’obligations en matière de carburants ou de subventions. La production de biocarburants est susceptible de diminuer des deux côtés de la frontière, ce qui affectera la demande.
Pour les fermiers canadiens, l’impact des droits de douane sur les prix dépendra de la manière dont le secteur céréalier, très concentré, se comportera. Six multinationales, Cargill, Louis Dreyfus, Richardson, ADM, Bunge et Viterra, possèdent les installations de trituration du canola au Canada, et quatre d’entre elles – Cargill, Richardson, Bunge et Viterra – achètent également le canola aux fermières au silo de collecte. La relation entre le prix payé par les utilisateurs finaux et le prix payé aux fermières n’est pas transparente. Lorsque les fermières ont peu de choix quant à l’endroit où vendre, les acheteurs sont en mesure d’utiliser leur pouvoir de marché pour faire baisser les prix de manière déloyale. L’impact le plus important de la situation tarifaire chinoise sur les fermières n’est peut-être pas la perte de ventes à la Chine, mais l’augmentation des profits des multinationales verticalement intégrées de transformation des céréales et des oléagineux. Les nouvelles alarmistes sur les tarifs douaniers de rétorsion de la Chine peuvent facilement être utilisées pour excuser la faiblesse des prix.


