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Grande confusion autour de l’OMC

Les négociations de l’Organisation mondiale du commerce et le rôle qu’elles pourraient jouer dans diverses questions agricoles ont fait l’objet d’un torrent de nouvelles ces derniers temps.

Le cycle de Doha de ces négociations est censé aboutir à un accord sur l’agriculture lors de la réunion de Hong Kong en décembre. Les chances d’un tel accord s’amenuisent rapidement, car les pays de toutes sortes se chamaillent sur ce qu’il convient de faire.

Le fermier canadien moyen doit être complètement désorienté par les nombreuses et très différentes opinions qu’il entend.

En voici quelques-uns :

Les gouvernements des grands exportateurs de produits agricoles comme le Canada, les États-Unis et l’Australie affirment qu’un accord réussi améliorera le sort de leurs fermières, tout en sortant les pays pauvres du bourbier économique. Ils divergent fortement sur ce qui doit se passer, selon eux, pour qu’un tel accord soit couronné de succès.

Les gouvernements des importateurs ou importateurs potentiels de produits agricoles, comme l’Union Fermière, affirment que s’ils cèdent trop pour un accord, leurs fermières souffriront de manière déraisonnable.

L’UE est le seul groupe de pays qui ne semble pas prétendre que ses fermières en bénéficieront. La plupart des fermiers de l’UE semblent penser qu’ils n’ont pas d’autre choix que de baisser.

Les gouvernements de pays pauvres comme l’Inde affirment que leurs fermières bénéficieront d’un accord, mais seulement si les pays riches ouvrent leurs marchés et abaissent les droits de douane sur les importations. L’Inde affirme qu’elle doit être autorisée à protéger ses quelque 700 millions de fermières de subsistance contre les importations.

Les associations agricoles canadiennes composées de fermiers ne semblent guère croire qu’un accord de l’OMC améliorera leur sort. Il s’agit de groupes tels que la Fédération canadienne de l’agriculture, Keystone Agricultural Producers, , Wild Rose Agricultural Producers, etc.

Les groupes agricoles soutenus par les multinationales de l’agroalimentaire, comme l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, affirment qu’un accord de l’OMC, quel qu’en soit le prix, n’apportera que des avantages aux agriculteurs canadiens.

Les fermières du monde entier, qu’elles vivent dans des pays riches ou pauvres, sont également divisées.

Via Campesina, un mouvement mondial de petits fermiers et d’agriculteurs de subsistance, estime que les petits fermiers du monde entier ne subiront que des préjudices si les négociations aboutissent. Elle affirme que les politiques relatives à la production alimentaire doivent être contrôlées par les gouvernements nationaux, et non par des organismes internationaux.

L’idée que les fermières des pays riches et des pays pauvres en bénéficieront toutes deux repose sur une logique déroutante.

La politique agricole américaine, par exemple, permet aux fermières de produire d’énormes volumes de céréales et d’autres cultures, qui sont ensuite vendus sur les marchés nationaux et internationaux à un prix inférieur au coût de production. Ils peuvent le faire car leur gouvernement prend essentiellement en charge la différence.

Les fermières américaines ne sont pas des productrices à faible coût, quelle que soit la façon dont vous les découpez, et elles ne seront donc gagnantes que si le reste du monde désarme alors qu’elles conservent leurs programmes agricoles intacts. C’est précisément ce que permet la proposition américaine actuelle.

Les pays comme l’Inde ne seront gagnants que si les pays riches réduisent leur production et cessent de pratiquer le dumping. Bien que leurs coûts de main-d’œuvre soient faibles, les pays pauvres disposent généralement de mauvaises infrastructures et perdent ainsi leur avantage naturel.

Bien entendu, la plupart des pays riches, à l’exception de l’UE, ne croient pas qu’un accord de l’OMC les incitera à réduire leur production.

Le Canada, comme les États-Unis, aime à affirmer que les prix augmenteront en cas de succès de l’OMC. Le gouvernement australien affirme que les producteurs de blé verront leurs revenus augmenter de 26 000 dollars dans le cadre d’un accord.

Dans un marché dominé par l’offre et la demande, cela ne peut se produire que si la production baisse et que la demande fait monter les prix. Aucun de ces pays n’admettra que sa propre production pourrait diminuer.

Dans toutes ces incertitudes, une chose est claire. Si les barrières commerciales telles que les droits de douane diminuent, le commerce mondial augmentera. Cela profitera, peut-être exclusivement, aux commerçants.

C’est la raison pour laquelle ils, ainsi que les gouvernements qui les écoutent et les associations agricoles qu’ils financent, font pression sur l’accord de l’OMC.

Une autre chose est également certaine.

Les pays riches et les pays pauvres ont des agendas différents en matière de commerce.

Pour les pays riches, l’accord sur l’agriculture n’est qu’un moyen de passer à l’essentiel : la libéralisation du commerce des biens et des services. Les entreprises des pays riches veulent s’immiscer dans la santé, l’éducation et les services publics des pays pauvres.

Les pays pauvres veulent accéder aux marchés agricoles des pays riches, car ce sont les biens qu’ils produisent. Certains sont prêts à renoncer au contrôle de leurs secteurs de services pour l’obtenir.

Dans tout ce bruit et cette fureur, il n’est pas étonnant que les fermières canadiennes ne sachent plus où donner de la tête. En fin de compte, ils se contentent de se demander : « En quoi cela va-t-il me profiter ou me nuire ? ».

Lors d’une récente conférence en Saskatchewan, un économiste agricole a qualifié l’OMC de course vers le bas dans laquelle chaque pays semble croire que ses fermières seront les seules à rester debout. C’est un espoir bien mince sur lequel vous pouvez fonder votre avenir.

Le gouvernement canadien semble toutefois disposé à le faire.

Peut-être est-ce dû à son incapacité à concevoir d’autres solutions.

Paul Beingessner
About the author

Paul Beingessner

Paul Beingessner was a farmer, an activist, and a writer who defended Canada’s family farms until his tragic death in a farm accident in the spring of 2009. His widely-read and respected weekly columns brought a fresh and progressive perspective to rural and farm issues. Some of them are collected here. Through his words, his insight and wisdom continue to inform, raise important questions and encourage action. Working with Paul's family, the NFU has established an annual literary prize in honour of Paul and his contribution to rural and agricultural journalism.
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