National | Communiqué de presse

Renforcer la souveraineté alimentaire du Canada pendant la « pause » tarifaire selon l’UNF

Le gouvernement canadien doit profiter de la « pause » de 30 jours sur les droits de douane américains pour renforcer la capacité du Canada à protéger les agriculteurs canadiens des effets dévastateurs des droits de douane de 25 % sur les exportations et des impacts potentiels des droits de douane de rétorsion sur les importations américaines. Nous avons également besoin que le Canada élabore une stratégie alimentaire et agricole à long terme qui réduise notre dépendance au commerce avec les États-Unis. La stratégie perturbatrice du président Trump et son manque de respect des règles signifient que nous ne pouvons plus considérer les accords commerciaux comme fiables.  Quoi qu’il arrive, les fermiers, les travailleurs et les consommateurs canadiens seront bien servis par des initiatives qui renforcent notre souveraineté alimentaire et réduisent notre vulnérabilité aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement, aux pertes de revenus, aux hausses de prix et aux pénuries alimentaires.

En tant qu’agriculteurs et fermiers, nous produisons pour les marchés internationaux et pour la consommation intérieure. Ces deux marchés sont essentiels. Nous utilisons également des équipements et des intrants importés. Le renforcement de la souveraineté alimentaire – le contrôle démocratique des décisions importantes concernant l’alimentation et l’agriculture – est une stratégie clé pour résister aux moyens de pression économiques du président Trump, qui visent effrontément à annexer le Canada. Les principales priorités d’action sont :

  1. Défendre la gestion de l’offre : La gestion de l’offre garantit que les agriculteurs canadiens peuvent produire et produisent effectivement les produits laitiers, le poulet, les œufs et la dinde de haute qualité que les Canadiens consomment, qu’ils sont suffisamment payés pour couvrir leurs coûts de production et que leur marché n’est pas inondé par les importations. Ce système stable et fiable n’est pas exposé aux menaces tarifaires. Les grandes entreprises laitières américaines exercent un lobbying intense pour obtenir l’accès aux précieux marchés canadiens, ce qui fait de notre gestion de l’offre une cible à détruire pour le président Trump. Les fermiers et les consommateurs comptent sur le gouvernement fédéral pour soutenir fermement la gestion de l’offre.
  1. Diversifier les marchés d’exportation : La politique agricole canadienne axée sur l’exportation a créé un degré élevé de dépendance à l’égard du marché américain, en particulier pour le bœuf et le porc, mais aussi pour les céréales et les oléagineux. À court terme, le programme Agri-stabilité peut apporter un certain soutien aux agriculteurs participants en cas de forte baisse des prix et/ou d’augmentation du coût des intrants, mais il n’est pas accessible ou adapté à près des deux tiers des agriculteurs canadiens, dont beaucoup sont exposés à la menace des droits de douane américains. Ces fermiers auront besoin d’un soutien efficace pour leur permettre de survivre à la tourmente imminente. À plus long terme, nous devons adopter un cadre politique de multifonctionnalité similaire à celui de l’Union européenne, et des changements structurels pour diversifier à la fois nos marchés et les cultures destinées à l’exportation, ainsi que des mesures qui soutiennent la viabilité à long terme de ces exploitations. Parmi les possibilités, citons le retour à un guichet unique pour la commercialisation des porcs et la mise en œuvre d’un guichet unique pour la commercialisation de la viande bovine pour les exploitations opérant à l’échelle des produits de base, tout en laissant un espace pour la poursuite de la commercialisation directe à petite échelle ; le rétablissement du guichet unique de la Commission canadienne du blé et son élargissement à tous les produits de base ; des objectifs et des programmes de soutien pour augmenter la proportion de la production utilisant des pratiques certifiées biologiques et d’autres pratiques de bonne foi écologiquement saines et atténuant les effets du climat. 
  2. Promouvoir et créer des marchés régionaux et locaux : Les marchés locaux sont essentiels à la souveraineté alimentaire. Les ventes locales et directes permettent de maintenir l’argent dans les communautés et la production alimentaire là où se trouvent les consommateurs. Alors que les détaillants cherchent à remplacer les importations américaines, la demande de produits alimentaires canadiens dépassera rapidement l’offre existante. Nous devons accroître la production destinée au marché intérieur afin de réduire notre dépendance à l’égard des importations de denrées alimentaires. Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent maintenant s’engager à reconstruire nos infrastructures locales et régionales de production, de transformation, de stockage et de distribution de denrées alimentaires afin que le Canada dispose d’une capacité fiable et à long terme pour nourrir sa population.
  3. Protéger les travailleurs agricoles : Pour construire un système alimentaire canadien plus résilient et plus robuste, il faut veiller à ce que les emplois des travailleurs agricoles, tant dans les champs que dans les usines de transformation des aliments, soient de bons emplois, avec des salaires équitables, des conditions de travail sûres et, pour les travailleurs migrants, des droits du travail complets, des permis de travail ouverts et une voie d’accès à la citoyenneté. Une stratégie de la main-d’œuvre agricole qui tienne compte du caractère saisonnier de l’agriculture canadienne et qui assure des revenus décents aux travailleurs agricoles tout au long de l’année sera nécessaire pour constituer une main-d’œuvre résidente à long terme.
  4. Fabriquer des équipements agricoles : Le Canada a déjà eu une industrie   de fabrication de matériel agricole prospère et diversifiée, produisant une gamme complète de machines. Il existe une excellente occasion de réoutiller et d’accroître notre capacité à produire des équipements conçus pour les exploitations agricoles canadiennes de toutes tailles et de tous types de production. Une stratégie industrielle pour le Canada qui inclurait les machines agricoles aurait des avantages étendus qui dépasseraient le secteur de l’agriculture.
  5. Empêcher les entreprises de profiter à outrance : L’expérience de la pandémie et de la guerre en Ukraine nous a appris que les grandes entreprises de la chaîne d’approvisionnement sont prêtes à utiliser leur pouvoir de marché surdimensionné pour accroître leurs propres profits aux dépens des fermiers, des travailleurs et des consommateurs. Le gouvernement fédéral doit donc mettre en œuvre des mesures pour empêcher les entreprises d’utiliser l’imposition de droits de douane américains et les probables droits de douane canadiens en représailles comme couverture pour gonfler les prix, supprimer les salaires et réduire les prix des produits agricoles. Le Canada doit également s’attaquer à la concentration excessive de la propriété dans le secteur agricole et alimentaire, où le comportement monopolistique est devenu la règle plutôt que l’exception. Notre cadre antitrust et de concurrence s’est avéré inadéquat, comme en témoigne l’approbation du rachat de Viterra par Bunge. Si le Canada ne peut ou ne veut pas démanteler les entreprises monopolistiques, d’autres méthodes de régulation et de limitation de leur pouvoir de marché doivent être mises en place, faute de quoi ils seront en charge de notre approvisionnement alimentaire.

La menace de tarifs douaniers américains punitifs et la guerre commerciale qui s’ensuit créent une incertitude qui nuit à nos moyens de subsistance et à nos communautés. La détermination des Canadiens à se serrer les coudes leur donne la volonté non seulement de résister à la tempête actuelle, mais aussi de construire une base solide de souveraineté alimentaire pour un avenir plus sûr. Nous demandons instamment au gouvernement d’agir rapidement pour atteindre cet objectif.

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