National | Communiqué de presse

Construite par des générations de fermiers, la Commission canadienne du blé ne doit pas céder à l’idéologie de droite.

Tribune libre de Terry Boehm

La Commission canadienne du blé est l’organisme de commercialisation des producteurs de blé et d’orge de l’Ouest canadien. Les fermières paient pour son fonctionnement et la dirigent par l’intermédiaire d’une majorité d’administrateurs élus par les fermières (dix sont élus et cinq sont nommés par le gouvernement). Le gouvernement n’a rien à débourser. Pour qu’il fonctionne dans l’intérêt des fermiers et des Canadiens, il suffit d’adopter une législation autorisant la commercialisation du blé et de l’orge par l’intermédiaire d’un guichet unique.

Le guichet unique signifie essentiellement que les acheteurs de blé et d’orge de l’Ouest canadien doivent traiter avec la CCB. Cela permet à la CCB d’obtenir des primes de prix pour les fermiers sur les marchés mondiaux et nationaux. Tous les revenus vont directement aux fermières, à l’exception d’une petite commission de fonctionnement. Les paiements aux fermières sont généralement basés sur des moyennes de toutes les ventes et sont effectués tout au long de l’année. De nombreuses études économiques évaluées par des pairs ont prouvé que grâce au guichet unique de la CCB, les fermiers gagnent plus et, par extension, l’économie canadienne dans son ensemble en bénéficie. La CCB donne aux fermiers un pouvoir de marché dans un commerce international des céréales dominé par une poignée de multinationales géantes.

Gerry Ritz et Steven Harper ont déclaré qu’ils mettraient fin au guichet unique de la CCB le 1er août 2012. Soyons clairs : ce sera la fin de la CCB. Ils reviendront imprudemment cent ans en arrière, laissant les fermières aux mains des barons voleurs du commerce des céréales, qui sont aujourd’hui encore plus puissants.

La Commission canadienne du blé a 75 ans, mais sa genèse est encore plus ancienne. Pendant la Première Guerre mondiale, le gouvernement canadien a créé l’Office du blé pour faire face à la hausse des prix des céréales et à l’incapacité du commerce privé à gérer la situation. Les fermières gagnaient des sommes sans précédent à cette époque. En 1920, le gouvernement a dissous l’office et les prix des céréales se sont effondrés. Les fermières se sont mobilisées en vain pour obtenir son rétablissement. Ces mêmes fermières ont créé le Parti progressiste, dont le programme agricole prévoyait notamment le rétablissement d’un office du blé. Au milieu des années 20, soixante-neuf progressistes ont été élus au niveau fédéral. Le gouvernement libéral de Mackenzie-King en absorbe un grand nombre à la fin des années vingt. Ceux qui ont refusé d’être cooptés sont devenus membres du groupe Ginger qui a conduit à la formation du CCF, devenu plus tard le NPD. Entre-temps, les fermières ont formé les « Wheat Pools » et créé une agence centrale de vente pour commercialiser leurs céréales. Cette agence s’est effondrée avec le début de la dépression céréalière dans les années 1930. La CCB à guichet unique faisait partie de la plate-forme conservatrice de R.B. Bennett lors des élections fédérales de 1935. Il a perdu, mais les libéraux ont institué la CCB qui, en 1943, commercialisait le blé, l’avoine et l’orge par l’intermédiaire du guichet unique.La commercialisation ordonnée de la CCB et la vente par guichet unique rapportent chaque année des centaines de millions de dollars aux fermiers sous forme de primes. Elle apporte également plusieurs fois ce montant en défendant les intérêts des fermières : elle bloque les taux de fret pour toutes les céréales et veille à ce que les mélanges, les expéditions, les échanges de devises et les primes soient directement versés aux fermières.

Harper et Ritz mettront fin à tout cela et transféreront ces avantages et ces fonds à certaines des entreprises les plus riches du monde. C’est ce qu’ils appellent le « choix de commercialisation » et la « liberté ». Des entreprises comme ADM, Bunge, Cargill, Louis Dreyfus et, en bas de la liste, Viterra, s’approprieront les primes et dilueront probablement la qualité des céréales canadiennes, comme nous l’avons vu en Australie, où l’Australian Wheat Board a été démantelé en 2006. Harper et Ritz agissent uniquement par idéologie, sans même savoir ce que fait la CCB. Harper fait alors campagne en affirmant qu’il est le mieux placé pour gérer l’économie.

La loi actuelle sur la CCB exige un vote des fermiers avant de retirer ou d’ajouter tout ou partie des grains à la compétence de la CCB (article 47.1). Ritz et Harper refusent de laisser les fermières décider de l’avenir du guichet unique et ont peur de laisser fonctionner la démocratie. Ils savent que la grande majorité des fermières soutiennent le guichet unique et que les fermières ont toujours élu des directeurs favorables au guichet unique depuis 1998. Il faut également comprendre que depuis des années, le gouvernement Harper a imposé un bâillon, interdisant à la CCB de parler des avantages du guichet unique et de la CCB elle-même. La CCB est une institution qui permet aux fermiers de l’Ouest de bénéficier d’une certaine forme de justice économique pour les fruits de leur travail. Steven Harper veut détruire cela et notre sens canadien de la démocratie dans ce combat. Nous ne devons pas le laisser s’en tirer comme ça ! Nous devons tous nous battre pour cette cause et pour tout ce qu’elle représente !