Lettre ouverte à la Commission européenne concernant la protection des obtentions végétales dans l’accord de libre-échange avec l’Indonésie
Les organisations soussignées exigent que la Commission européenne n’impose pas à l’Indonésie, dans le cadre des accords de libre-échange UE-Indonésie, de mettre en œuvre l’Acte de 1991 de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV 1991) ou d’imposer à l’Indonésie toute autre exigence en matière de protection des obtentions végétales. L’introduction obligatoire de l’UPOV 91 mettrait en péril le système de semences géré par Famer et, partant, la souveraineté et la sécurité alimentaires ainsi que l’agrobiodiversité.
Nous soulevons cette préoccupation car la proposition de l’UE sur le chapitre 1 des DPI, publiée le 19 décembre 2016 et soumise à discussion avec l’Indonésie, a en effet une très grande portée, surtout si l’on tient compte du fait que l’Indonésie n’est signataire d’aucune convention de l’UPOV : « SOUS-SECTION 7 Variétés végétales Article X.46 Les Parties protègent les droits d’obtention végétale, conformément à la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales adoptée à Paris le 2 décembre 1961 et révisée en dernier lieu à Genève le 19 mars 1991 (Acte de 1991 de l’UPOV), y compris les exceptions au droit d’obtenteur visées à l’article 15.2) de cette convention.
Selon le rapport du 10e cycle de négociations en vue d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et l’Indonésie, qui s’est déroulé du 22 février au 5 mars 20212, la protection des obtentions végétales reste une question ouverte et aucun accord n’a été conclu à ce sujet jusqu’à présent.
En Indonésie, la majeure partie de l’approvisionnement en semences est assurée par les divers systèmes de semences gérés par les fermières. Un pilier central de ces systèmes est le droit des fermières de conserver, d’utiliser, d’échanger et de vendre librement les semences de ferme. Cependant, l’Acte de 1991 de la Convention UPOV (UPOV 91) prive les fermières du droit d’échanger et de vendre des semences ou du matériel de multiplication protégés. Même la conservation des semences et la replantation dans leurs propres champs sont interdites pour la plupart des espèces végétales et restreintes pour d’autres. Ainsi, l’UPOV 91 ne met pas seulement en péril le droit à l’alimentation et la souveraineté alimentaire, mais constitue également une menace pour l’agrobiodiversité. La diversité des variétés stockées dans les banques de gènes et cultivées dans les champs et les jardins du monde entier, qui constitue une ressource indispensable pour la sélection de nouvelles cultures, dépend du bon fonctionnement des systèmes de semences fermières. Si nous détruisons ces systèmes, nous nuisons à l’humanité dans son ensemble. Les dangers d’une législation inappropriée en matière de protection des obtentions végétales ont été mis en évidence par de nombreux rapports et études au cours des dernières années3. Les principaux arguments sont également résumés dans une note d’information4 accompagnant la présente lettre ouverte.
L’exclusion de toute exigence concernant la protection des variétés végétales dans l’ALE ferait écho aux préoccupations soulevées par les parties prenantes dans l’évaluation de l’impact sur le développement durable (EID)5 réalisée par des consultants pour le compte de la Commission européenne. L’EIDD a souligné que le droit aux semences et la protection des nouvelles variétés végétales étaient des questions controversées lors des consultations des parties prenantes, où « les petites fermières ont exprimé le point de vue qu’elles pourraient être affectées négativement par les dispositions relatives aux nouvelles variétés végétales dans le futur ALE, [urging] les négociateurs doivent prendre en compte les besoins des petites fermières en Indonésie ».
Une renonciation aux revendications de droits d’obtention végétale en vertu de l’UPOV 91 serait également cohérente avec la résolution du Parlement européen du 11 novembre 2021 sur un plan d’action en matière de propriété intellectuelle visant à soutenir la relance et la résilience de l’UE6, dans laquelle le Parlement « demande à l’UE de soutenir les régimes de DPI qui favorisent le développement de variétés de semences adaptées aux conditions locales et de semences de ferme, conformément aux dispositions du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (TIRPAA) et à l’article 19 de la déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales » ; »
Notre demande que l’UE n’exige pas l’UPOV 91 dans ses accords commerciaux est également conforme aux demandes du rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Michael Fakhri, dans son dernier rapport « Semences, droit à la vie et droits des fermiers » où il recommande que l’ONU « Les États membres devraient envisager Ne pas faire pression sur les autres États membres pour qu’ils adhèrent à la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales. L’adhésion à cette convention ne devrait plus être exigée dans le cadre d’accords bilatéraux ou régionaux. Les États membres sont vivement encouragés à supprimer ces exigences des accords actuels ; »
Tenter d’imposer à l’Indonésie une loi qui a été élaborée sans sa participation va à l’encontre des intérêts du pays. L’Indonésie a le droit et le devoir d’élaborer des lois et des politiques relatives aux semences qui conviennent le mieux à son système agricole et aux besoins de sa population, en tenant toujours compte du droit des fermières à participer aux processus de prise de décision. Il est inquiétant de voir comment l’UE met en péril la capacité de l’Indonésie à élaborer des lois sur mesure et à utiliser l’espace offert par l’accord de l’Organisation mondiale du commerce sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC).
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de retirer la demande d’une loi sur la protection des variétés végétales conforme à l’UPOV 91 et de vous abstenir de toute demande concernant les droits de protection des variétés végétales dans l’accord de libre-échange avec l’Indonésie. Ce serait un pas important vers plus de justice, la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des fermiers et autres personnes travaillant dans les zones rurales » (UNDROP) et une contribution importante à la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies.
Il s’agit d’une lettre ouverte que la Nationale des Fermiers a signée avec des alliés internationaux. Veuillez trouver la lettre officielle OpenLetter_EU-Indonesia UPOV par Both ENDS ici. Pour plus d’informations sur Both ENDS , cliquez ici.
Signataires :
Indonésie
Aliansi Petani Indonesia (API)
Bina Desa
BITRA Indonésie
ELSAKA
FIAN Indonésie
FIELD Indonésie (YDBN)
VOL : Protéger les oiseaux d’Indonésie
FSBKU Indonésie pour la justice mondiale (IGJ)
Comité indonésien des droits de l’homme pour la justice sociale (IHCS)
JAMTANI Jaringan Advokasi Tambang Sulawesi Tengah
JPIC Kalimantan
Kaliptra Andalas
Koalisi Rakyat untuk Kedaulatan Pangan
Komite Nasional Pertanian Keluarga (KNPK)
Fondation Komodo Indonesia Lestari (Yakines)
KONPHALINDO
Konfederasi Pergerakan Rakyat Indonesia (KPRI)
Perkumpulan INISIATIF
Perkumpulan Kediri Bersama Rakyat (KIBAR)
Samawa Islam Transformatif
Sauvez notre Bornéo
Serikat Petani Indonésie
Setara Jambi
WALHI Jambi
WALHI Sulawesi du Sud
Yayasan CAPPA Keadilan Ekologi
Yayasan Pusaka Bentala Rakyat
Yayasan Tananua Flores
Europe
11.11.11:Belgique
Amis de la Terre : France
ARCHE NOAH : Autriche
Les deux extrémités : Pays-Bas
Confédération Paysanne : France
Fastenaktion : Suisse
FIAN Deutschland : Allemagne
FIAN Suisse : Suisse
FNV : Pays-Bas
Fruchtwechsel e. V. : Allemagne
Handelskampanjen : Norvège
Oeuvre d’entraide de l’Eglise évangélique de Suisse (EPER) : Suisse
Li Mestère ASBL : Belgique
MISEREOR : Allemagne
Amis de la nature : Grèce
NOAH : Danemark
Plate-forme Aarde Boer Consument : Pays-Bas
Rettet den Regenwald e.V. : Allemagne
RÉSEAU D’ACTION SUR LES SEMENCES : Allemagne
Sésame : Suède
SolidariteitsNetwerk BuurtTuinen : Pays-Bas
Stiftung Asienhaus : Allemagne
StoereVrouwen : Pays-Bas
SWISSAID : Suisse
Verein zur Erhaltung der Nutzpflanzenvielfalt e.V. (VEN) : Allemagne
Vitale Rassen : Belgique
Regardez Indonesia ! e.V. : Allemagne
Organisations internationales
APBREBES
CAFOD
CIDSE
FIAN International
GRAIN
Rettet den Regenwald
Initiatives régionales d’Asie du Sud-Est pour l’autonomisation des communautés
Réseau du tiers monde
Institut transnational
Association faîtière pour la conservation de la diversité des plantes cultivées et des animaux d’élevage dans les pays germanophones
Afrique
Fondation AbibiNsroma : Ghana
Centre africain pour la biodiversité : Afrique du Sud
AVRD International : Tchad
Commons for EcoJustice : Malawi
MELCA-Éthiopie : Éthiopie
TABIO : Tanzanie
Amérique latine et Amérique du Nord
Une culture en pleine expansion : ÉTATS-UNIS
Action écologique : Équateur
Asociación Nacional para el Fomento de la Agricultura Ecológica : Honduras
Aula Verde AC : Mexique
Grassroots International : ÉTATS-UNIS
Grupo Semillas : Colombie
Nationale des Fermiers : Canada
Red de Coordinación en Biodiversidad : Costa Rica
Réseau pour la justice commerciale : Canada
UDAPT : Équateur
Asie
BARCIK : Bangladesh
Association des consommateurs de Penang : Malaisie
Bureau INYAKU : Japon
Forum des pêcheurs du Pakistan : Pakistan
Réseau de recherche et d’action participatives – PRAAN : Bangladesh
Sahabat Alam Malaysia (Amis de la Terre Malaisie) : Malaisie