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Le CAPÉ : Coopérer pour une agriculture locale et écologique au Québec

C’était comme une colonie de vacances pour les fermières, sauf qu’on se sentait en hiver et que la nourriture était meilleure.

CAPÉ Camp SAJO 2013

Le grand bâtiment de style grange était bondé d’une centaine de fermiers, la plupart âgés d’une trentaine d’années ou moins, absorbés par un atelier approfondi sur la production de tomates et de concombres en serre. La veille, un après-midi de visite d’une ferme locale avait débouché sur un énorme repas-partage et une séance de brainstorming sur les variétés de légumes préférées.

C’était ma première réunion annuelle d’automne de la CAPÉ et je peux vous assurer que ce ne sera pas la dernière.

En français, CAPÉ signifie Coopérative pour une Agriculture de Proximité Écologique, c’est-à-dire « Coopérative pour une agriculture locale et écologique ». Le CAPÉ a été fondé en 2013 par des membres du Réseau des Jeunes Maraîchers Écologiques (RJME). Parce que même les fermières vieillissent, le RJME a récemment remplacé « jeunes » par « joyeux ».

Ce réseau dynamique de partage des connaissances héberge également une liste de diffusion qui constitue une mine d’or d’informations pour les maraîchers francophones comme moi. Il y a quelques mois, j’ai fait circuler une demande de suggestions concernant la construction ou l’achat d’une roue dibble (utilisée pour espacer et marquer les greffes). En moins de 24 heures, j’ai reçu 16 réponses pertinentes et détaillées de la part de fermières et de fermiers de tout le Québec. Il s’agit là d’un soutien informel, mais inestimable, assuré par les pairs !

Depuis quelques années, le paysage agricole québécois est marqué par l’émergence de nouvelles fermières qui adoptent des méthodes de production écologiques et des modèles de commercialisation basés sur la proximité. Le CAPÉ a été créé par certains de ces fermiers qui ont ressenti le besoin d’unir leurs voix et de travailler pour se soutenir mutuellement et mieux représenter leurs intérêts dans le paysage médiatique et politique. En tant que coopérative de producteurs, la CAPÉ vise également à faciliter et à coordonner l’achat collectif d’intrants et les initiatives de commercialisation collective.

Par exemple, la coopérative a reçu un financement du MAPAQ (ministère de l’Agriculture et de la Pêche du Québec) pour piloter un projet de marketing collectif dans le cadre duquel la CAPÉ aura bientôt son propre kiosque dans les grands marchés publics tels que le célèbre marché Jean-Talon de Montréal. Pour répondre aux critères de vente des grands marchés publics (principalement des volumes importants et un choix toujours diversifié), les fermières du Québec doivent souvent acheter et revendre des marchandises dans des points de vente conventionnels. En regroupant les articles de ses membres, le kiosque CAPÉ permettra aux petits producteurs locaux d’accéder plus facilement à ces marchés, tout en mettant davantage de produits locaux et biologiques à la disposition des consommateurs. Un plan visant à développer un logo CAPÉ et à acheter collectivement des sacs de fruits et légumes portant le label CAPÉ est également en cours d’élaboration.

Le CAPÉ organise également des sessions de formation pour ses membres. Au cours des prochains mois, le CAPÉ, ainsi que d’autres réseaux québécois d’agriculture écologique, de justice alimentaire et d’ingénierie, co-organiseront le premier événement Farm Hack au Québec.

Farm Hack est une communauté open source pour l’agriculture résiliente qui rassemble des fermières, des concepteurs, des développeurs, des ingénieurs, des architectes et d’autres personnes intéressées par des systèmes et des technologies alimentaires plus adaptatifs et plus ouverts. Les Farm Hacks ont pour but de créer des biens communs créatifs grâce à l’échange et à l’accumulation de connaissances en ligne et en personne. Un événement Farm Hack peut comprendre des activités de conception, de construction, de formation et de documentation, des hackathons de logiciels et des forums conceptuels. En d’autres termes, un Farm Hack pourrait consister à développer le prototype d’un outil électronique conçu par la fermiere pour surveiller la température des serres, enregistrer les données relatives aux serres et envoyer des alertes à la fermiere par le biais de messages textuels sur son téléphone portable. Un « Farm Hack » peut aussi signifier la construction d’un laveur de racines à pédale à faible coût ou une conversation documentée sur les différents modèles de prêt d’équipement.

La CAPÉ dispose également d’une nouvelle commission sur les questions politiques. Bien que la coopérative n’ait pas encore pris officiellement position sur les questions d’intérêt fédéral, Caroline Dufresne, vice-présidente de la CAPÉ, a fait part de l’intention de la CAPÉ de collaborer avec des organisations aux vues similaires afin d’élaborer une position sur la politique nationale en matière d’alimentation et d’agriculture, y compris les accords de libre-échange, la législation sur les semences, l’étiquetage des produits alimentaires et les OGM. Stéphanie Wang, coordinatrice du Comité des Programmes Internationaux, a récemment fait une présentation sur le projet de loi C-18 et UPOV’91 lors de l’assemblée générale annuelle de la CAPÉ.

« La CAPÉ est une coopérative de producteurs très dynamique », explique M. Wang. « Au cours de sa première année d’existence, elle a déjà posé des jalons pour apporter des solutions collectives aux besoins d’achat et de commercialisation de ses membres, ainsi que pour assurer leur représentation politique. Le partage et la traduction des documents et analyses du site devraient aider les membres de la CAPÉ à mieux comprendre et se positionner sur les questions relatives au commerce international et aux politiques semencières qui sont négociées au niveau fédéral.

Néanmoins, le CAPÉ est encore en phase de démarrage et, jusqu’à présent, tous les projets ont été menés par des bénévoles. Sous réserve de l’approbation d’une demande de financement, le CAPÉ embauchera son premier employé au printemps 2014. Si l’on considère la réanimation du caucus des jeunes de et l’émergence du réseau Young Agrarians BC et du CAPÉ, il devient évident que les possibilités de pollinisation croisée au sein du mouvement des nouvelles fermières en pleine maturation sont en plein essor.

Note : De plus amples informations sur le CAPÉ sont disponibles en ligne à l’adresse suivante : http://www.capecoop.org/fr/accueil/.