La consultation du Conference Board sur la stratégie alimentaire : un écran de fumée
Pour ceux d’entre nous qui sont profondément attachés aux systèmes alimentaires locaux et qui reconnaissent le rôle que l’alimentation peut jouer dans le renforcement de nos communautés, de nos écosystèmes et de nos économies, il peut être tentant de sauter sur chaque occasion de faire mentionner un élément de notre vision dans les discussions plus larges sur l’alimentation et l’agriculture. Dans le cadre de son projet de stratégie alimentaire canadienne, le Conference Board du Canada invite les organisations et les particuliers à participer à des consultations publiques dans tout le pays cet hiver. The a reçu une telle invitation. Certains militants de l’alimentation locale ont suggéré qu’il était important d’y assister. D’autres ont décliné l’invitation, estimant qu’il s’agissait d’une stratégie de l’industrie alimentaire canadienne et non d’une stratégie visant à fournir à tous les Canadiens une alimentation suffisante, saine, sûre et adaptée à leur culture.
Les travaux du Conference Board du Canada en matière de stratégie alimentaire sont financés par des entreprises privées et des organismes publics. L’Office se décrit comme un organisme de recherche appliquée. La stratégie alimentaire canadienne qu’elle élabore n’est en fait qu’un autre projet de partenariat privé-public dans le cadre duquel des intérêts privés bénéficient des fonds publics consacrés à la recherche. Étant donné que le projet est financé par des entreprises telles que Loblaw (le plus grand détaillant alimentaire du Canada), Maple LeafFoods (l’une des plus grandes entreprises agroalimentaires du Canada), Nestlé (la plus grande entreprise agroalimentaire du monde) et Heinz (une multinationale américaine de l’agroalimentaire), il n’est pas surprenant que l’objectif de la stratégie soit de créer davantage d’opportunités de profit pour ces « investisseurs » dans le domaine de la recherche.
Les appels lancés au gouvernement canadien pour qu’il adopte une stratégie alimentaire nationale émanent de plusieurs sources, dont Olivier De Schutter, le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation, et Peoples Food Policy, un projet mené par des défenseurs de l’agriculture et de l’alimentation en milieu urbain et rural. Il ne fait aucun doute que le Conference Board du Canada espère qu’en incluant une consultation publique dans son projet de recherche, il obtiendra un soutien pour sa propre vision de notre système alimentaire. Au lieu d’exploiter l’énergie et l’intérêt croissants du public pour l’alimentation afin de créer une stratégie alimentaire pour le bien public, le gouvernement a investi dans le projet du Conference Board du Canada, faisant une fois de plus passer les intérêts des entreprises canadiennes avant ceux des citoyens canadiens qui plaident en faveur d’un système alimentaire juste et écologique.
Les nutritionnistes et les militants de l’alimentation seraient heureux de voir les Canadiens consommer au moins cinq portions de fruits et légumes par jour, ce qui est l’un des résultats souhaités dans la section « Alimentation saine » de la consultation. Ces cinq portions pourraient facilement provenir de fruits et légumes non transformés ou peu transformés cultivés par des fermières locales et distribués directement aux consommateurs par l’intermédiaire de coopératives alimentaires locales, de marchés de producteurs ou de petits détaillants. Toutefois, d’autres « résultats souhaités » énumérés dans la section sur les aliments sains comprennent des choix alimentaires plus sains développés par l’industrie, des approbations plus rapides pour les aliments présentant des avantages pour la santé et des innovations en matière de produits alimentaires. Les aliments non transformés sont à la fois plus sains et plus abordables, mais encourager leur consommation limite les possibilités pour les transformateurs et les fabricants de produits alimentaires de gagner de l’argent en divisant les produits frais en composants et en réarrangeant ces composants pour en faire des produits comestibles innovants mais sains.
L’ajout de quelques références à l’alimentation locale et saine à la liste des résultats souhaités dans cette stratégie alimentaire ne modifie pas son orientation générale. En tant que fermiere qui s’engage a fournir de la nourriture a ma communaute locale, l’ensemble de mon exploitation – et pas seulement une petite partie – est orientee vers la collaboration avec la nature pour faire pousser de la nourriture pour les habitants de la region. Ceux d’entre nous qui sont attachés à un système alimentaire qui donne aux citoyens un droit de regard sur la manière dont notre nourriture est produite et sur sa provenance doivent continuer à travailler ensemble pour faire avancer notre vision. Nous devons également nous demander si le fait d’apporter notre contribution à chaque discussion sur l’alimentation et les stratégies alimentaires contribuera à un véritable changement dans la façon de penser l’alimentation.
La consultation du Conference Board du Canada sur la stratégie alimentaire doit être considérée comme un « sondage » sophistiqué et coûteux. Sous couvert de solliciter nos opinions, son véritable objectif est de promouvoir la vision de ses investisseurs. Il ne s’agit pas d’une véritable opportunité de plaider en faveur d’un système alimentaire économiquement, écologiquement et socialement durable.
par Ann Slater, fermiere de l’Ontario et membre du conseil d’administration de .