Policy

Les fermiers, la chaîne alimentaire et les politiques agricoles au Canada par rapport au droit à l’alimentation

Soumission du du Canada au Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, M. Olivier De Schutter, Mission au Canada, mai 2012*. au Canada, mai 2012*

Note : pour consulter le rapport complet avec les graphiques, veuillez télécharger la version PDF ici.

The () est une organisation agricole nationale non partisane à adhésion directe et volontaire. Fondée en 1969, et avec des racines remontant à plus d’un siècle, l’association représente des milliers de familles d’agriculteurs d’un océan à l’autre. Le site travaille à l’élaboration de politiques économiques et sociales qui permettront aux petites et moyennes exploitations agricoles familiales de rester les principaux producteurs de denrées alimentaires au Canada.

Le site estime que l’agriculture doit être économiquement, socialement et écologiquement durable et que la production alimentaire doit conduire à une alimentation saine pour les personnes, à des sols enrichis, à un paysage plus beau, à des emplois pour les non-agriculteurs, à des communautés rurales prospères et à des écosystèmes naturels biodiversifiés. Le est un chef de file dans l’expression des intérêts des fermes familiales du Canada, dans l’analyse de la crise du revenu agricole et dans la proposition de solutions abordables, équilibrées et novatrices qui profitent à tous les citoyens. Les positions politiques du sont élaborées au moyen d’un processus démocratique par le biais de débats et de votes sur des résolutions lors de congrès régionaux et nationaux, comme le prévoit notre Constitution.

Le site se réjouit de pouvoir fournir des informations à M. Olivier De Schutter, rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, dans le cadre de sa mission au Canada. Notre rapport se concentrera sur le point de vue de sur l’organisation des chaînes alimentaires et son impact sur le droit à l’alimentation, ainsi que sur la gouvernance des politiques et des programmes qui ont un impact sur le droit à l’alimentation.

Les fermières et la chaîne alimentaire au Canada

La chaîne alimentaire commence par la terre et l’eau, et comprend les semences et les animaux reproducteurs, les intrants tels que les engrais, les carburants et les produits chimiques agricoles, l’équipement, l’infrastructure de production, les machines et les pièces détachées, et se poursuit par la commercialisation des produits agricoles auprès des acheteurs, des courtiers, des négociants, des transformateurs, des grossistes, des détaillants et du consommateur final. Le transport représente également un coût important pour de nombreux fermiers. La chaîne alimentaire comprend également le travail, les connaissances, l’expertise et la gestion apportés par les familles d’agriculteurs. En tant qu’organisation de fermiers familiaux, nous reconnaissons que la transmission de l’exploitation à la génération suivante d’agriculteurs est également un élément essentiel de la chaîne alimentaire au fil du temps.

Le terme « chaîne alimentaire » évoque les nombreux maillons qui doivent être présents et solides pour que la nourriture soit produite et transformée afin que les gens puissent être nourris. Malheureusement, de nombreux fermiers estiment aujourd’hui que le terme « chaîne alimentaire » décrit également un sentiment croissant de servitude résultant des puissantes entreprises qui contrôlent une grande partie de l’environnement économique, social et écologique dans lequel nous devons essayer de survivre.

Perte de fermiere

Le nombre de fermes et d’agriculteurs au Canada diminue depuis plusieurs décennies, tandis que l’âge moyen des agriculteurs augmente.

Les fermières sont prises dans un étau entre les coûts et les prix, où elles sont obligées de prendre les prix lorsqu’elles achètent des intrants, mais aussi lorsqu’elles vendent leurs produits. Les prix des intrants sont en constante augmentation et les prix des produits de base, bien que sujets à la volatilité, sont restés bas.

Le déclin spectaculaire du nombre d’exploitations agricoles est le résultat d’une politique et non d’une évolution naturelle des choix de carrière individuels. La faiblesse des prix agricoles est bénéfique pour les fabricants de denrées alimentaires, car elle signifie que les coûts de leurs intrants sont moins élevés, ce qui leur permet d’être plus facilement rentables. Le secteur de l’industrie alimentaire est un lobby puissant au Canada qui a réussi à obtenir des réglementations et des politiques favorables permettant de décharger les coûts sur les fermières.

La dépression à long terme des prix agricoles par rapport aux prix des intrants et au coût de la vie signifie que les marges se resserrent constamment, obligeant les fermières à produire toujours plus pour maintenir le même revenu. Pour produire davantage, les fermières doivent acquérir plus de terres, acheter des équipements plus grands, augmenter la taille des troupeaux, recourir davantage aux produits chimiques agricoles achetés et s’endetter davantage. La taille d’une ferme « viable » ne cesse d’augmenter, et les objectifs de « réussite » ne cessent de s’éloigner, tandis que les fermiers s’efforcent de suivre le mouvement. Les bénéficiaires de l’aspect croissance de la dynamique sont les entreprises d’intrants et les banques, tandis que les fermières se retrouvent avec des risques plus élevés, moins de voisins, des communautés appauvries, moins de temps et plus de stress.

L’accaparement des terres

La perte d’exploitations agricoles et l’augmentation de l’âge moyen des fermières ne sont pas simplement des statistiques économiques, mais indiquent un échec alarmant du transfert intergénérationnel et une évolution vers la concentration de la propriété foncière. De nombreux jeunes ont décidé de ne pas se lancer dans l’agriculture en raison des sombres perspectives économiques, ou ont été empêchés de le faire en raison du niveau élevé d’endettement nécessaire à l’achat ou à la création d’une exploitation agricole. Par conséquent, les fermières plus âgées ne transmettent pas leurs connaissances à la génération suivante, et cet ensemble de connaissances pratiques et culturelles se perd.

Dans de nombreuses régions du Canada, les terres sont achetées par des investisseurs absentéistes par l’intermédiaire de sociétés d’investissement foncier spéculatives, puis louées à des fermières ou exploitées avec de la main-d’œuvre salariée, y compris des travailleurs migrants temporaires. Les investisseurs en terres agricoles ne sont pas intéressés par la production alimentaire, mais par un flux de revenus, et prennent donc des décisions de culture basées sur la rentabilité plutôt que sur la gestion des terres. L’absence de relation à long terme avec la terre entraîne un risque élevé d’épuisement des sols, d’érosion, de contamination de l’eau et d’autres problèmes environnementaux, car les gains à court terme sont la priorité des actionnaires.

Prix agricoles et prix des denrées alimentaires

Pendant la crise prolongée du revenu agricole, les prix des produits alimentaires dans les magasins d’alimentation ont augmenté, ce qui indique que le prix des produits agricoles n’est pas un facteur important dans le prix des produits alimentaires. La hausse des prix des denrées alimentaires n’est pas due à l’augmentation des prix payés aux fermières. La part de l’argent consacrée à l’alimentation qui arrive dans la poche des fermières est minuscule. Plus important encore, le prix des denrées alimentaires continue d’augmenter alors que les prix des produits de base restent bas. Le revenu agricole net des 30 dernières années est pratiquement nul. Lors de la récente hausse des prix à la production, le prix numérique que les fermières reçoivent est presque identique à celui qu’elles recevaient au milieu des années 1970. Il y a trente-sept ans, les fermières recevaient 13 à 14 dollars pour un boisseau de lin et de canola et c’est exactement ce qu’elles reçoivent aujourd’hui. Les prix du blé sont aujourd’hui pratiquement les mêmes qu’il y a 37 ans. La plupart des fermières et fermiers doivent prendre un emploi en dehors de l’exploitation pour subvenir aux besoins de leur famille et subventionnent ainsi le prix des denrées alimentaires par leur propre travail non rémunéré sur l’exploitation.

Filets de sécurité

Les filets de sécurité agricoles du Canada présentent de grosses lacunes : ils capturent les plus grandes exploitations et laissent tomber les plus petites. Les plus grandes exploitations captent un montant disproportionné des paiements de soutien agricole, en raison de la conception des programmes et du plafond excessivement élevé (3 millions de dollars par exploitation) des paiements maximaux. Une exploitation agricole hautement spécialisée et dépendant des marchés d’exportation présente un degré plus élevé de volatilité des marges en raison des fluctuations brutales des marchés mondiaux et des taux de change. Ces changements spectaculaires entraînent le versement d’aides agricoles considérables lors des mauvaises années. En revanche, une exploitation plus petite et plus diversifiée est moins volatile, a moins de chances de déclencher un paiement et reçoit un paiement final moins important – s’il reste de l’argent dans le programme au moment où elle demande de l’aide. Cette dynamique contribue à la concentration de la propriété en favorisant les plus grands producteurs.

Politiques d’exportation

Les politiques agricoles du Canada sont axées sur l’expansion des exportations. Cette approche est devenue dominante en 1989, lors de la mise en œuvre de l’accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, et s’est intensifiée après la signature de l’ALENA en 1994. Le Canada continue de conclure des accords commerciaux bilatéraux avec différents pays et négocie actuellement l’accord économique et commercial global avec l’Union européenne. Le Canada pourrait également adhérer au Partenariat transpacifique. Ces accords commerciaux tentent de traiter l’alimentation et l’agriculture comme n’importe quelle autre marchandise. The Avec nos organisations sœurs de La Via Campesina, nous promouvons plutôt la souveraineté alimentaire, qui reconnaît la place centrale qu’occupe la nourriture dans nos vies et l’importance du contrôle démocratique exercé par les membres de leurs communautés sur les décisions importantes en matière de production alimentaire.

La politique du Canada axée sur le commerce a permis d’accroître les échanges, mais cela n’a pas aidé les fermières. L’augmentation des échanges s’est accompagnée d’une hausse des dépenses et de l’endettement, et le nombre total de fermières a diminué. Le revenu agricole net a stagné. Les bénéficiaires du programme d’expansion du commerce semblent être les vendeurs d’intrants et les transformateurs de produits alimentaires qui peuvent désormais acheter des produits agricoles à bas prix sur le marché mondial, réduisant ainsi leurs coûts et augmentant leur rentabilité. L' »efficacité » de ce système n’est pas répercutée sur les consommateurs, alors que les prix des denrées alimentaires continuent de grimper, mais est au contraire accaparée par les entreprises agroalimentaires mondiales, de plus en plus grandes et de moins en moins nombreuses, qui participent à l’achat, à la vente et à la transformation.

Historiquement, l’Ouest canadien est un exportateur de céréales, et les exportations de céréales constituent toujours l’un des principaux moteurs économiques des provinces des Prairies. En 1901, la Commission canadienne des grains a été créée afin de garantir l’équité pour les fermières qui vendaient des céréales. Un solide système de notation, d’inspection et de gouvernance a été mis au point et a résisté à l’épreuve du temps. Toutefois, le gouvernement fédéral actuel apporte des changements fondamentaux à la CCG, ce qui la rendra vulnérable à l’influence des sociétés agro-industrielles mondiales et pourrait conduire à sa disparition, et les fermières ne seront plus protégées comme elles l’étaient il y a 100 ans.

Accords commerciaux

Outre l’absurdité d’une promotion unique de l’expansion du commerce pour l’agriculture, les « accords commerciaux » que le Canada a signés ne concernent pas seulement le commerce – ils visent à restreindre l’espace politique des gouvernements afin d’empêcher les lois nationales d’entraver la capacité des entreprises mondiales à faire des affaires de manière rentable et transparente, quel que soit le pays dans lequel elles opèrent. Les lois, politiques, programmes et réglementations qu’un pays pourrait mettre en œuvre sur la base de la volonté démocratique de sa population sont redéfinis comme « équivalant à une expropriation » et soumis aux mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États.

Les fermiers canadiens ont souffert et ont été chassés de leurs terres en raison des accords commerciaux existants, et sont gravement menacés par l’imminence de l’accord AECG et la participation potentielle du Canada au TPP.

Deux domaines clés de la chaîne alimentaire sont menacés par l’AECG : la possibilité de continuer à utiliser des semences conservées à la ferme et l’accès aux marchés alimentaires locaux par le biais des marchés publics.

Les mesures proposées en matière de droits de propriété intellectuelle dans l’AECG permettraient la saisie préventive des biens des fermières en cas d’allégations de violation de brevets. En 2004, l’arrêt Schmeiser de la Cour suprême a statué que, quelle que soit la manière dont les gènes brevetés se sont retrouvés sur les terres d’un fermier, et que le fermier ait ou non bénéficié des gènes brevetés, le fermier portait atteinte aux droits exclusifs du détenteur du brevet. Si l’AECG est adopté tel qu’il a été négocié jusqu’à présent, les fermiers éviteront probablement le risque de saisie préventive en achetant uniquement des semences génétiquement brevetées et en payant les droits de licence (dans le cadre d’un « accord d’utilisation de la technologie ») à l’entreprise, au lieu de prendre le risque que les semences non génétiquement brevetées conservées à la ferme soient contaminées par la pollinisation croisée à partir d’une variété brevetée. Le choix des semences serait éliminé de facto, et créerait en fait un transfert forcé de richesse du fermier vers le semencier.

L’UE cherche activement à accéder aux marchés publics aux niveaux provincial et local. Pour toute passation de marché dépassant les seuils (qui sont relativement bas), aucune entité gouvernementale ne sera en mesure d’accorder un traitement préférentiel aux fournisseurs locaux. Compte tenu de l’essor du mouvement alimentaire local au Canada et de l’importance des politiques de marchés publics pour le développement du marché de l’alimentation locale, cette mesure aurait un impact significatif sur le droit à l’alimentation au Canada. Pour les fermières, le mouvement de l’alimentation locale a été un domaine important pour l’entrée des jeunes et des nouveaux agriculteurs. Le recensement de 2006 a montré que l’agriculture dans les zones urbaines et périurbaines du Canada est en augmentation. En restreignant les politiques d’approvisionnement local par le biais de l’AECG, le gouvernement canadien coupera court à l’une des rares bonnes nouvelles de la scène agricole canadienne.

Gouvernance des politiques et des programmes

La politique agricole canadienne ne fait pas de distinction entre l’agro-industrie (y compris les vendeurs d’intrants, les transformateurs de produits alimentaires et les détaillants, ainsi que les fermes industrielles) et les fermières familiales, alors que les intérêts de ces secteurs sont généralement opposés.

Les accords commerciaux mentionnés ci-dessus constituent en fait une constitution supranationale qui donne des pouvoirs aux entreprises et limite les types de politiques que les gouvernements démocratiquement élus peuvent mettre en œuvre. Le langage des négociations commerciales est celui de la confrontation : le Canada a un intérêt offensif dans le marché X et tente de défendre le marché Y contre le partenaire commercial. Cependant, en réalité, les gouvernements des deux parties se comportent comme des mandataires des entreprises qui cherchent à tirer profit de l’élargissement de leur champ d’action et de l’élimination des conditions qui leur sont imposées par la volonté collective des citoyens des différents pays. Les deux parties cherchent à se développer en pénétrant l’économie de l’autre. S’agit-il d’un jeu à somme nulle ? Ou bien la véritable cible est-elle les petits acteurs de l’économie nationale qui seront submergés et éliminés lorsqu’ils seront confrontés à l’immense pouvoir économique des entreprises mondiales ?

La capture réglementaire

L’Agence canadienne d’inspection des aliments est l’agence chargée de la mise en œuvre d’un grand nombre de lois et de règlements canadiens relatifs à l’alimentation. Son mandat est double : garantir la sécurité alimentaire et promouvoir la compétitivité des exportations alimentaires canadiennes. L’ACIA entretient des relations étroites avec de nombreux groupes de pression de l’industrie alimentaire et se décharge de plus en plus de ses responsabilités sur les entreprises. Même lorsque l’ACIA conserve son rôle de régulateur, elle demande l’avis des parties concernées. En raison des intérêts économiques et de la capacité du lobby de l’industrie alimentaire, ses représentants exercent une influence indue sur le résultat de ces consultations.

Par exemple, l’industrie du conditionnement de la viande promeut des mesures de sécurité alimentaire à forte intensité de capital qui rendent l’exploitation des petits abattoirs non rentable en raison des frais généraux élevés et des coûts du service de la dette que ces investissements impliquent. Les réglementations sont utilisées comme une barrière pour empêcher les petites entreprises d’entrer ou de rester sur le marché. Il en résulte une évolution vers un secteur de transformation de la viande extrêmement centralisé, à grande vitesse, à bas salaires, à gros volume et à faible marge, ainsi que la perte de capacités à plus petite échelle sur les marchés locaux et régionaux. L’ACIA est favorable à cette évolution, car les grands transformateurs sont considérés comme compétitifs sur le marché nord-américain ou mondial, même si leurs activités ont des effets néfastes sur les fermières et les consommateurs canadiens.

Mise à mort de la Commission canadienne du blé

En 2011, le gouvernement fédéral a adopté une loi, le projet de loi C 18, visant à démanteler la Commission canadienne du blé, vieille de 75 ans, l’organisme de vente à guichet unique dirigé par les agriculteurs qui vendait le blé et l’orge des fermiers de l’Ouest pour l’exportation et pour la consommation humaine au niveau national. La loi a été adoptée au mépris d’un arrêt de la Cour fédérale qui a jugé l’introduction du projet de loi contraire à l’État de droit, car le vote contraignant des fermiers sur les modifications proposées au guichet unique n’a pas été organisé comme l’exigeait la loi sur la Commission canadienne du blé en vigueur à l’époque. Le gouvernement fédéral a commencé à mettre en œuvre le projet de loi C-18 sans tenir compte de la décision du tribunal, mais il a également fait appel de cette décision.

Les fermiers ont lancé un recours collectif pour faire annuler le projet de loi C-18 (voir www.cwbclassaction.ca). Leur plainte comprend des accusations en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, y compris la violation du droit à la liberté d’association et du droit à la liberté d’expression.

La Commission canadienne du blé est tenue de vendre la totalité du blé et de l’orge dont elle a la charge et de restituer aux fermières la totalité du produit net des ventes. Tous les fermiers étaient traités sur un pied d’égalité, indépendamment de leur taille ou de leur situation géographique, et le prix était basé sur la qualité déterminée par la Commission canadienne des grains. Les ventes intérieures aux minoteries ont également été réalisées à des prix raisonnables, sans discrimination à l’égard des petits transformateurs. Les ventes de la CCB représentaient environ 5 milliards de dollars par an, et tout cet argent revenait à l’économie des prairies.

Depuis l’adoption du projet de loi C-18, la plus grande entreprise céréalière du Canada, Viterra, a été vendue à Glencore United, une entreprise suisse. À partir du 1er août 2012, les bénéfices de la vente du blé et de l’orge de l’Ouest iront à des sociétés privées étrangères et non plus aux fermières canadiennes. En outre, la qualité de nos céréales diminuera en raison des changements apportés à la classification du blé, et les Canadiens ne pourront plus compter sur du blé canadien de première qualité dans leur pain quotidien.

La Commission canadienne du blé a joué de nombreux autres rôles en plus de la commercialisation du blé et de l’orge. Elle a soutenu la recherche d’intérêt public, veillé à ce que les fermiers puissent charger des wagons de producteurs pour expédier leurs céréales au lieu d’utiliser les silos appartenant aux compagnies céréalières, assuré l’accès aux silos pour tous les producteurs de blé, défendu avec succès les défis commerciaux lancés par les États-Unis, développé les marchés d’exportation et encouragé la fidélité des clients grâce à l’excellence de la qualité et du service, et défendu les intérêts des fermiers dans les questions de transport ferroviaire.

Pétrole et gaz

La priorité du gouvernement fédéral est l’industrie pétrolière. Les politiques et les programmes visant à réduire l’utilisation des combustibles fossiles et à atténuer le changement climatique sont supprimés et réduits à néant. Ainsi, le Canada contribue au changement climatique au lieu de l’atténuer. L’agriculture étant extrêmement dépendante des conditions météorologiques, les fermiers supportent un lourd fardeau lorsque des phénomènes extrêmes tels que les inondations, les sécheresses, les tornades, les gelées précoces, les dégels au milieu de l’hiver, etc. entraînent des pertes de terres, de bétail, d’équipements, d’infrastructures, ou nous empêchent de planter ou de récolter. Le passage à des programmes d’assurance autofinancés au lieu d’une couverture étendue des catastrophes signifie que même les risques liés au changement climatique sont transférés sur le dos des fermières.

La primauté du pétrole et du gaz sur l’agriculture cause également des dommages à la terre et à l’eau en raison des effets de la fracturation hydraulique (fracking). Les réglementations relatives à la fracturation sont minimes, voire inexistantes, de sorte que les fermières ne savent pas quels types de produits chimiques sont déversés sur leurs terres ou dans leurs bassins versants lorsque l’eau produite par les opérations de fracturation fuit ou est déversée. L’impact de ces produits chimiques sur l’approvisionnement alimentaire est également inconnu, même si le bétail et les cultures sont contaminés.

Réglementation des OGM

Le Canada prétend disposer d’un système réglementaire « fondé sur la science » en ce qui concerne les organismes génétiquement modifiés, ou « nouveaux aliments », comme on les appelle au Canada. Il n’y a pas d’examen de l’impact éthique, social et commercial des décisions d’approbation d’une nouvelle culture génétiquement modifiée. Les données soumises par les entreprises sont très secrètes et l’organisme public de réglementation, l’Agence canadienne d’inspection des aliments, ne dispose d’aucune capacité de test indépendante qui permettrait de vérifier les allégations et les conclusions des entreprises. Les périodes de consultation publique pour les décisions réglementaires sont courtes (de 30 à 75 jours dans la plupart des cas), et les groupes d’intérêt public ne sont pas financés en tant qu’intervenants, de sorte que la capacité à critiquer ces propositions est limitée. Le gouvernement canadien a une position politique en faveur de l’expansion de la biotechnologie et ne peut être considéré comme une partie neutre. En outre, le Canada est en train de licencier des milliers de fonctionnaires, dont une forte proportion de scientifiques. Le gouvernement fédéral actuel ne s’engage pas réellement à mener une politique fondée sur la science.

En 2000, Monsanto a déposé une demande d’autorisation pour vendre du blé génétiquement modifié au Canada. Le site et d’autres fermiers, ainsi que les consommateurs, s’y sont fortement opposés. La Commission canadienne du blé a effectué des recherches qui ont montré que plus de 80 % des clients exportateurs du Canada n’achèteraient pas notre blé, ou en réduiraient fortement le prix, s’il était génétiquement modifié. En 2004, Monsanto a retiré sa demande d’autorisation réglementaire.

Au cours des dernières semaines, le site a observé des signes inquiétants indiquant que le terrain est préparé pour une nouvelle tentative d’introduction de blé génétiquement modifié. Le gouvernement fédéral a fermé le Centre de recherche sur les céréales de Winnipeg et a annoncé que la recherche publique sur la sélection des céréales n’irait pas plus loin que le développement du plasma germinal, qui sera ensuite vendu à des entreprises privées pour qu’elles puissent développer et commercialiser des variétés de semences. Un tel système fonctionnerait probablement en permettant aux entreprises de semences de percevoir des redevances sur les variétés génétiquement modifiées brevetées ou dans le cadre d’un régime de protection des obtentions végétales de l’UPOV 91 (la loi canadienne est basée sur l’UPOV 78). La mise au point de blé génétiquement modifié aurait de graves répercussions sur la capacité des fermières à vendre sur les marchés d’exportation haut de gamme et pourrait éliminer la possibilité d’une agriculture biologique certifiée dans les Prairies en raison de la contamination génétique inévitable de notre culture de base.

Le site est également préoccupé par la luzerne génétiquement modifiée. Le Canada l’a approuvé pour la dissémination dans l’environnement et pour la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux, de sorte que le seul obstacle restant est l’enregistrement de la variété. La réglementation relative aux variétés de semences a été modifiée ces dernières années afin de faciliter l’enregistrement des variétés de semences de certains types de cultures sans qu’il soit nécessaire d’en évaluer le mérite. Nous craignons que le statut de la luzerne dans le cadre du système d’enregistrement des variétés de semences ne soit modifié pour faciliter la commercialisation d’une variété génétiquement modifiée au Canada. Les fermières s’inquiètent de l’impact de la luzerne génétiquement modifiée sur les exportations et sur le secteur biologique canadien, car la luzerne est une culture fourragère importante et une légumineuse qui contribue à l’enrichissement du sol dans les rotations culturales.

Privatisation de l’agenda de la recherche agricole

Le récent budget fédéral a modifié radicalement le soutien public accordé à la recherche au Canada. La quasi-totalité de l’aide publique sera désormais orientée vers la recherche ayant une application commerciale directe. La recherche fondamentale universitaire a connu une évolution au cours de la dernière décennie, le financement public exigeant de plus en plus qu’un pourcentage significatif du financement du projet soit réuni par le scientifique. En pratique, cela signifie que les chercheurs doivent trouver un partenaire du secteur privé – une entreprise – pour financer leurs travaux. Seule la recherche présentant un avantage commercial peut bénéficier de ce type de financement. Nous avons donc perdu la capacité de mener des recherches précieuses dans l’intérêt du public, telles que l’amélioration de la gestion de l’eau, la consolidation des sols, l’agroécologie, les systèmes à faible consommation d’intrants, etc. Les résultats de la recherche financée par les entreprises sont brevetés ou font l’objet d’autres licences, de sorte que les fermières doivent payer pour la recherche à plusieurs reprises si elles achètent le nouveau produit qui en résulte, qu’il s’agisse d’une semence, d’un produit chimique agricole, d’un médicament vétérinaire ou d’une machine.

Gestion de l’offre et accords commerciaux

Le système canadien de gestion de l’offre est une réussite pour les fermiers, les consommateurs, les transformateurs et les gouvernements. Toutefois, le secteur des entreprises exerce une pression croissante pour que la gestion de l’offre soit abandonnée en échange de l’adhésion à des accords commerciaux internationaux tels que le Partenariat transpacifique. Le gouvernement fédéral a déclaré qu’il protégerait la gestion de l’offre, mais il a également déclaré que « tout est sur la table ». Ces messages contradictoires sont déconcertants. En outre, le gouvernement fédéral est fier de son bilan en matière de réduction et d’élimination des droits de douane dans d’autres secteurs. Les opposants à la gestion de l’offre estiment qu’en raison du fort soutien de l’opinion publique à la gestion de l’offre, il est nécessaire d’adopter une approche progressive pour l’éliminer. La réduction des droits de douane pourrait bien être la stratégie progressive qui sera utilisée pour saper le système.

Solutions recommandées :

Le site recommande que le Canada adopte une politique alimentaire nationale qui valorise et soutienne l’exploitation agricole familiale en tant qu’unité de production de base et qu’elle inclue des efforts pour reconstruire le secteur agricole en soutenant les jeunes fermières et fermiers.

Le site recommande que l’agriculture soit traitée séparément des accords commerciaux globaux tels que l’ALENA, l’AECG et le TPP.

Le site recommande qu’il n’y ait pas de droits de propriété intellectuelle sur les semences.

Le Canada devrait élaborer une stratégie de réduction de la dette agricole afin de favoriser l’accès à la terre des jeunes et des nouveaux fermiers, la retraite dans la dignité des fermiers plus âgés et d’empêcher l’inflation du prix des terres et la spéculation.

Le Canada doit améliorer le cadre législatif afin de permettre aux coopératives de fermiers/consommateurs de jouer un rôle plus important dans l’économie tout au long de la chaîne alimentaire.

Le programme de recherche publique du Canada devrait soutenir la recherche fondée sur la curiosité et l’intérêt public en la finançant à 100 %.

La Commission canadienne du blé devrait être rétablie en tant qu’organisme de commercialisation du blé, du blé dur et de l’orge des Prairies, dirigé démocratiquement par les fermiers.

La gestion de l’offre doit être maintenue et protégée contre les agressions extérieures. Certains éléments du système de gestion de l’offre doivent être actualisés afin de promouvoir le transfert intergénérationnel et une plus grande diversité des systèmes de production, mais il est difficile de s’engager dans cette voie lorsque l’ensemble du système doit se concentrer sur sa propre défense.

Le système de vente des porcs à guichet unique devrait être réintroduit.

Les entreprises de transformation de la viande bovine et porcine ne devraient pas avoir le droit de posséder des parcs d’engraissement ou des élevages de porcs (approvisionnement captif).

L’ACIA ne devrait avoir qu’un mandat en matière de sécurité alimentaire, à l’instar de l’Agence alimentaire du Royaume-Uni.

Le Canada devrait promouvoir les énergies renouvelables et les stratégies d’atténuation du changement climatique qui impliquent de manière significative les fermières familiales. Le Canada devrait prendre en considération tous les coûts sociaux, économiques et écologiques à court et à long terme associés aux biocarburants et à l’objectif « zéro till ».

Le système réglementaire du Canada devrait inclure les impacts sociaux, éthiques et commerciaux dans son régime réglementaire sur les OGM.

Pour de plus amples informations, veuillez consulter la Constitution ( ) et les mémoires ( ) en annexe.

Sélection de Briefs :

  • Réponse aux modifications proposées à la Loi sur les grains du Canada en ce qui concerne la Commission canadienne des grains, 22 mars 2012
  • Fermes, agriculteurs et agriculture en Ontario : un aperçu de la situation en 2011, mai 2011
  • Revenu agricole net total et exportations et importations agroalimentaires totales, Canada, 1970 – 2009, avril 2011
  • Revenu agricole brut total, revenu agricole net total et endettement agricole total, Canada 1970 – 2009, avril 2011
  • Losing our Grip : How a Corporate Farmland Buy-up, Rising Farm Debt, and Agribusiness Financing of Inputs Threaten Family Farms and Food Sovereignty, 7 juin 2010 (en anglais)
  • The Defense of Supply Management, 8 octobre 2009
  • Les secteurs agricole et alimentaire du Canada, la concurrence et la compétitivité, et une voie pour sortir du marécage du revenu agricole net, 11 juin 2009
  • Présentation à la sous-commission de la sécurité alimentaire de la Chambre des communes, 1er juin 2009
  • La crise agricole et le secteur bovin : Vers une nouvelle analyse et de nouvelles solutions, 19 novembre 2008
  • Soumission à la Commission de commercialisation des produits agricoles de l’Ontario pour l’examen de la Commission de commercialisation des producteurs de porcs de l’Ontario, 22-25 juillet 2008
  • La crise agricole actuelle : ses causes et ses solutions, Charlottetown, PEI, 12 juin 2008
  • La crise agricole selon Agrium et AAC : Rapport sur le coût des intrants agricoles, 6 mars 2008
  • Présentation au Groupe d’étude sur les politiques de concurrence, janvier 2008
  • Rapport et recommandations à l’ACIA sur les modifications proposées à la loi sur la protection des obtentions végétales afin de rendre la législation existante conforme à la Convention UPOV de 1991, 8 mars 2005