Policy

Soumission de l’UNF à l’ACIA sur les orientations réglementaires en matière d’édition de gènes

Soumission à l’ACIA d’orientations pour déterminer si une plante est soumise à la partie V du règlement sur les semences

L’UNF est une organisation agricole nationale non partisane, à adhésion directe et volontaire, composée de milliers de familles d’agriculteurs de tout le Canada qui produisent une grande variété de denrées alimentaires, notamment des céréales, du bétail, des fruits et des légumes. Fondée en 1969, l’UNF milite pour des politiques économiques et sociales qui défendent le droit des peuples à produire et à consommer des aliments sains et culturellement appropriés, produits selon des méthodes écologiquement saines et durables, ainsi que leur droit à définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles. L’UNF est un chef de file dans la défense des intérêts des exploitations agricoles familiales du Canada, dans l’analyse de la crise du revenu agricole et dans la proposition de solutions abordables, équilibrées et novatrices qui profitent à tous les citoyens. Les positions politiques de l’UNF sont élaborées dans le cadre d’un processus démocratique lors des conventions régionales et nationales.

Les membres de l’UNF sont des fermiers actifs qui ont un intérêt vital pour les semences, qu’ils les sèment directement en tant que cultivateurs ou qu’ils dépendent des semences plantées par d’autres fermiers et cultivées pour l’alimentation du bétail ou le fourrage. Les orientations réglementaires proposées affectent clairement les fermières, mais le processus de consultation de l’ACIA a été programmé pour se dérouler pendant la saison de croissance, au moment où les fermières sont le moins disponibles pour étudier les documents réglementaires et préparer leurs commentaires. En avril, le président de l’UNF a demandé à deux reprises à l’ACIA de retarder la consultation, ce qui lui a été refusé. La seule solution a été de prolonger la période d’examen public de 90 à 120 jours ; cependant, la plupart des fermières sont encore occupées par la récolte à la date limite de la mi-septembre.

En dépit du calendrier, nous avons examiné attentivement les documents de consultation et formulons les commentaires suivants. L’UNF approuve et réitère également les réponses au questionnaire en ligne de l’ACIA soumises par le Réseau canadien d’action sur les biotechnologies (voir https://cban.ca/wp-content/uploads/CBAN-response-CFIA-consultation-questionnaire-2021.pdf ).

L’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) est chargée de réglementer les plantes génétiquement modifiées (OGM) en matière de sécurité environnementale en vertu du Règlement sur les semences – Partie V, qui définit les critères permettant de déterminer si les plantes sont considérées comme des « plantes à caractères nouveaux » (VCN) et, dans l’affirmative, la manière dont elles sont réglementées(1). Actuellement, toutes les plantes génétiquement modifiées sont soumises à la partie V et doivent être approuvées par l’ACIA avant d’être autorisées à être disséminées dans l’environnement et mises sur le marché. L’ACIA propose une nouvelle « orientation réglementaire » axée sur les VCN issus de la technologie de l’édition génétique, qui modifierait son interprétation de ce règlement afin d’exempter de la partie V du règlement sur les semences la plupart des nouvelles plantes créées par édition génétique, ce qui permettrait de les disséminer dans l’environnement sans aucune surveillance ou notification réglementaire. Les orientations proposées signifient également que l’ACIA n’aura accès à aucune donnée concernant les plantes génétiquement modifiées exemptées.

Un guide réglementaire ne modifie pas le règlement lui-même ; il indique aux régulateurs comment interpréter le règlement lorsqu’il est appliqué à des cas particuliers. Un guide réglementaire doit aider les personnes ou les entreprises à comprendre ce qu’elles doivent faire pour se conformer à la réglementation ; il ne doit pas modifier l’intention de la réglementation. L’objectif de la partie V du règlement sur les semences est de réglementer l’introduction de nouvelles plantes, et non de les déréglementer. Les orientations proposées créent un mécanisme permettant de réduire progressivement la surveillance publique et d’étendre l’introduction non réglementée de plantes génétiquement modifiées, en particulier celles produites par édition de gènes. On peut donc affirmer que l’ACIA outrepasse son autorité en utilisant des orientations réglementaires pour modifier l’intention de la partie V du règlement sur les semences. Pour ces seuls motifs, la proposition d’orientation devrait être retirée.

Ce que les orientations proposées par l’ACIA changeraient

L’ACIA propose d’exempter la plupart des nouvelles plantes créées par édition génétique de la partie V du règlement sur les semences. Les plantes exemptées peuvent être rejetées dans l’environnement sans aucune surveillance réglementaire ni notification. L’ACIA n’a pas reçu de données sur les végétaux exemptés.

Les orientations réglementaires actuelles stipulent que « le statut de VCN est déterminé par la présence d’un caractère nouveau dans une plante, quelle que soit la méthode utilisée pour l’introduire« . (2) [emphasis in the original]

Selon les orientations proposées, les plantes génétiquement modifiées ne seraient couvertes par la partie V que si elles appartiennent à des espèces qui n’ont jamais été cultivées au Canada auparavant, si elles contiennent de l’ADN étranger ou si elles présentent un caractère susceptible d’entraîner l’une des quatre incidences sur l’environnement énumérées dans le règlement :

1. rendre le contrôle plus difficile en supprimant une option de gestion ;
2. introduire ou renforcer une toxine, un allergène ou un autre composé susceptible d’avoir des effets négatifs sur des organismes non ciblés dans l’environnement ;
3. améliorer sa survie dans la nature au point de devenir une mauvaise herbe envahissante ; ou
4. provoquerait ou renforcerait la présence d’un organisme nuisible aux végétaux ou créerait un réservoir pour un organisme nuisible aux végétaux (toute espèce, souche ou biotype de végétal, d’animal ou d’agent pathogène nuisible aux végétaux ou aux produits végétaux).

Les orientations proposées exempteraient les plantes génétiquement modifiées lorsque les concepteurs du produit déterminent que leurs nouveaux caractères n’ont causé aucun des quatre impacts susmentionnés et si l’ADN étranger (les séquences de l’éditeur de gènes) utilisé pour introduire ces nouveaux caractères est supprimé par la suite. Toutefois, l’ACIA considère qu’un large éventail de modifications apportées à l’ADN d’une plante sont « dans le génome », notamment la suppression d’ADN de toute taille, la perte ou le gain de la fonction d’un gène par la suppression d’éléments régulateurs, le réarrangement de l’emplacement de la séquence d’ADN, toute multiplication d’une séquence, de gènes ou de chromosomes entiers, l’insertion ou la modification de toute séquence d’ADN dérivée du pool génétique par l’ajout ou le remplacement d’un gène provenant d’une plante apparentée, les insertions aléatoires générées par les mécanismes de réparation de l’ADN. Il est clair qu’il s’agit là de modifications importantes du génome, mais qui ne donneraient pas lieu à une évaluation au titre de la partie V dans le cadre des orientations proposées.

Aux fins de la réglementation, la nouveauté d’une plante dépend du concept d' »équivalence substantielle », que l’ACIA définit comme « aucune différence significative dans l’utilisation spécifique et la sécurité de la plante par rapport aux plantes de cette espèce qui ont été cultivées au Canada ». Les décisions prises sur la base de l’équivalence en substance ne peuvent pas être vérifiées scientifiquement, car le concept repose sur des hypothèses et des critères subjectifs qui ne sont ni définis ni rendus publics.

Selon les orientations proposées, les nouvelles plantes dont les caractéristiques sont jugées substantiellement équivalentes à celles de plantes précédemment approuvées sans conditions seront exemptées de l’application de la partie V. Au fil du temps, de moins en moins de plantes génétiquement modifiées seront couvertes par la partie V. Les approbations antérieures de plantes ou de caractéristiques seront considérées comme suffisantes pour permettre la dissémination dans l’environnement de nouvelles plantes sans autre examen, même lorsque la caractéristique en question est introduite dans une espèce différente de celle qui a fait l’objet de l’approbation initiale.

L’ACIA a déjà approuvé des VCN qui ont eu les effets négatifs sur l’environnement censés justifier une réglementation : les cultures tolérantes aux herbicides (par exemple, RoundUp Ready) ont réduit les possibilités de lutte contre les mauvaises herbes et accéléré l’évolution des mauvaises herbes résistantes aux herbicides ; les cultures résistantes aux insectes (Bt) ont favorisé l’évolution de la résistance au Bt chez les parasites des plantes, comme la chrysomèle des racines du maïs, et ont eu des effets négatifs sur les espèces non ciblées ; les cultures tolérantes aux herbicides ont accru leur potentiel d’invasion des écosystèmes naturels. Étant donné que les plantes génétiquement modifiées présentant ces caractéristiques seraient également considérées comme « substantiellement équivalentes » aux OGM précédemment approuvés, il existe un manque de clarté important quant à la question de savoir si ces impacts négatifs sur l’environnement entraîneraient effectivement une réglementation au titre de la partie V.

Il appartient aux développeurs de plantes de déterminer si leur nouvelle plante génétiquement modifiée est soumise à la partie V. Ils sont fortement incités à minimiser les risques environnementaux potentiels et à faire preuve de laxisme dans leurs efforts pour détecter tout ADN étranger qui aurait pu être incorporé dans le génome modifié, afin d’éviter les coûts liés à la procédure réglementaire. S’ils pensent que leur produit est exempté, ils peuvent demander une lettre officielle de l’ACIA pour confirmer l’exemption.

L’enquête de consultation de l’ACIA demande s’il devrait être obligatoire de rendre publiques ces lettres d’exemption. Si elles restent confidentielles, l’ACIA fournira un service privé en secret au profit des développeurs de semences qui cherchent à obtenir une déclaration officielle selon laquelle leur produit n’est pas soumis à la réglementation canadienne, tout en refusant au public la possibilité de savoir si la plante a fait l’objet d’une édition génétique. L’ACIA saurait, mais ne pourrait pas divulguer au public, que certaines plantes ont été développées à l’aide de la technologie d’édition de gènes. Si les exemptions confirmées par l’ACIA sont publiées en tant que « non-PNT » sans révéler que la plante a été développée à l’aide de la technologie d’édition génétique, cela implique qu’il ne s’agit pas de produits issus du génie génétique. Cela serait à la fois trompeur et contraire à la valeur de transparence déclarée par l’ACIA.

L’ACIA peut ne pas être d’accord avec le développeur de l’usine et déterminer que l’usine est finalement soumise à la partie V. Le promoteur peut faire appel de cette décision s’il n’est pas d’accord. En revanche, si les membres du public ne sont pas d’accord avec une décision de l’ACIA, ils n’ont aucun recours. Cette inégalité empêche injustement les citoyens canadiens de demander des comptes à notre régulateur public.

Les orientations réglementaires proposées par l’ACIA réduisent considérablement le rôle du régulateur public et élargissent la capacité des entreprises privées à agir sans contrainte. Les documents de consultation de l’ACIA présentent une vision non critique de la technologie d’édition de gènes, minimisant les risques. Pourtant, la nouveauté de cette technologie et son potentiel à apporter des changements inimaginables aux génomes des plantes signifient qu’un contrôle public prudent et bien informé de son application est nécessaire.

Les résultats de la technologie d’édition de gènes ne sont pas entièrement compris

Les nouvelles technologies génétiques utilisées dans la sélection végétale ont pour but de créer de nouvelles variétés. Les partisans de l’édition génétique mettent en avant la capacité de la technologie à apporter des changements radicaux aux plantes, non seulement plus rapidement, mais aussi sans que les méthodes traditionnelles de sélection des plantes ne le permettent. L’édition de gènes peut également être utilisée pour modifier l’ADN des animaux (y compris les humains), des champignons et des organismes unicellulaires.

La technologie d’édition de gènes peut être utilisée pour modifier la fonction de l’ADN d’une plante en réduisant au silence ou en forçant l’expression de gènes spécifiques, en supprimant des gènes et/ou en modifiant l’emplacement des gènes dans le génome. Elle peut également être utilisée pour ajouter de nouvelles séquences génétiques à des endroits spécifiques. On s’attend à ce que de nombreuses plantes génétiquement modifiées soient produites en utilisant une séquence « éditeur » composée d' »ADN étranger » (trouvé à l’origine dans un autre organisme) pour modifier l’ADN de la plante, puis en retirant l’ADN « éditeur » une fois qu’il aura apporté des modifications au génome. Bien qu’il ait été modifié par ce processus, l’ADN de la plante n’est pas considéré comme « étranger », même s’il a été modifié d’une manière qui n’est pas possible dans le cadre d’une reproduction biologique naturelle.

Avec l’édition de gènes, les développeurs de plantes peuvent modifier des sites spécifiques du génome d’une plante, mais ils n’ont pas un contrôle total sur les résultats. Les cellules « lisent » les instructions de l’ADN qui leur indiquent de produire des protéines spécifiques. Les « mots » de l’ADN consistent en une série de paires de bases moléculaires disposées dans un ordre spécifique dans la molécule d’ADN en spirale. La technologie d’édition de gènes sépare les séquences existantes sur le site cible du génome et s’appuie sur le mécanisme de réparation de la cellule pour recomposer la molécule d’ADN, soit en ajoutant une nouvelle séquence, soit en supprimant une séquence existante. Le processus ne se déroule pas toujours comme prévu. L’éditeur de gènes peut également modifier d’autres parties du génome, ce qui entraîne des « effets hors cible ». Les modifications apportées au site cible peuvent également avoir des effets non intentionnels, appelés « effets sur la cible ». Le processus d’édition de gènes peut amener la cellule à réarranger son propre ADN – brouillant les « mots » génétiques et leur donnant de nouvelles significations. Elle peut entraîner l’effacement de grandes quantités d’ADN, supprimant ainsi des « paragraphes » entiers du livre, ou l’insertion de nombreuses séquences dupliquées, ajoutant ainsi de nouveaux « paragraphes ». Certains des outils d’édition de gènes à ADN étranger utilisés pour diriger et couper l’ADN peuvent également s’incorporer de manière inattendue à l’ADN original de la plante. Un grand nombre de nos cultures vivrières importantes, telles que le blé et le maïs, sont polyploïdes – elles possèdent plusieurs paires de chromosomes, ce qui accroît à la fois leur complexité génétique et le risque d’erreurs d’édition de gènes.

Comme nous l’avons vu lors de la chaleur et de la sécheresse extrêmes de l’été 2021, le stress peut amener les plantes à exprimer des caractéristiques atypiques telles qu’une maturité plus précoce, une taille plus courte, moins de graines dans les cultures céréalières et, dans les plantes bisannuelles telles que les carottes et les betteraves, à monter en graines au cours de leur première année – même lorsqu’elles n’ont pas été génétiquement modifiées. De nouvelles recherches dans le domaine de l’épigénétique – les effets intergénérationnels des contraintes environnementales sur l’expression des gènes – montrent que les organismes peuvent hériter des changements provoqués par l’expérience des parents sans modifier leur ADN. Les nouvelles connaissances scientifiques sur l’épigénétique pourraient avoir des conséquences importantes sur la compréhension des risques et des résultats complexes de l’édition de gènes au fil du temps.

En bref, il n’existe pas encore de connaissances complètes sur l’édition de gènes, le développeur de la plante n’a pas un contrôle total sur les actions du matériel génétique utilisé pour modifier le génome de la plante, et la réponse de la plante aux modifications de son génome n’est pas entièrement prévisible. Ce qui peut sembler être de petites modifications dans la séquence des gènes peut amener la plante à « lire » son ADN d’une nouvelle manière, ce qui l’amène à produire des protéines imprévues, à activer des gènes normalement « silencieux » et à faire taire des gènes qui sont normalement exprimés. Ces protéines non prévues et l’expression ou l’inhibition inattendue de gènes peuvent avoir une incidence sur l’impact environnemental des plantes modifiées et peuvent affecter la physiologie des plantes en général, ou lorsqu’elles sont soumises à un stress particulier.

Même lorsque le processus d’édition de gènes aboutit exactement aux changements souhaités par les développeurs de plantes, l’intérêt de l’utilisation de la technologie d’édition de gènes est de créer un nouveau génome qui n’existait pas auparavant, de le faire rapidement et, dans de nombreux cas, de modifier des parties du génome que les techniques de sélection conventionnelles ne faisant pas appel au génie génétique n’affectent pas. Il n’y a pas de correspondance univoque entre les gènes et les protéines ou les caractéristiques. Il y a encore beaucoup de choses que l’on ne sait pas sur la relation entre l’ADN et les cellules individuelles et les organismes entiers. Ainsi, un inventaire complet de la séquence du génome des plantes génétiquement modifiées ne permet pas de savoir comment les gènes modifiés fonctionneront dans l’organisme vivant.

L’interprétation restrictive du terme « nouveau » dans les orientations proposées repose sur des hypothèses plutôt que sur des preuves et permettrait aux concepteurs de produits d’éviter l’évaluation de la sécurité, même si ces nouvelles plantes génétiquement modifiées n’ont pas d’antécédents d’utilisation sûre en tant qu’aliment.

Les orientations proposées ne sont pas fondées sur des données scientifiques

La vision de l’ACIA est « d’exceller en tant qu’organisme de réglementation fondé sur la science, auquel les Canadiens et la communauté internationale font confiance et qu’ils respectent ». Pourtant, les orientations réglementaires proposées sapent à plusieurs égards ses prétentions à une réglementation fondée sur la science et nuisent ainsi à la confiance du public dans le système alimentaire et dans l’organisme de réglementation.

En exemptant les plantes génétiquement modifiées au motif qu’elles ne contiennent pas d’ADN étranger, l’ACIA assimile l’absence d’ADN étranger à l’absence de risque. Cependant, la science crée continuellement des connaissances et les nouvelles recherches révèlent de nouvelles compréhensions. Le gouvernement encourage vigoureusement l’innovation, mais les orientations proposées ne laissent aucune place à la curiosité scientifique quant aux impacts connus ou futurs de ces innovations.

L’exemption proposée pour les plantes génétiquement modifiées qui ne contiennent pas d’ADN étranger ou qui sont « substantiellement équivalentes » à des VCN déjà approuvés empêcherait le public d’accéder aux informations sur ces plantes génétiquement modifiées et empêcherait l’ACIA de rechercher les informations nécessaires pour évaluer leurs effets à long terme sur l’environnement. L’élargissement des exemptions réglementaires libère indûment l’ACIA de cette obligation et fait injustement peser sur les fermières et le grand public, par défaut, la charge, les coûts et le risque d’impacts futurs.

Les orientations proposées supposent également, de manière non scientifique, une connaissance de l’avenir en exemptant les plantes génétiquement modifiées dont les caractéristiques ont été approuvées antérieurement. Elle part du principe que tous les résultats possibles de l’édition génétique se situent dans la fourchette des résultats déjà connus des régulateurs de l’ACIA. Ce critère d’exemption regroupe également un large éventail de modifications génétiques spécifiques qui aboutissent au « caractère substantiellement équivalent », mais n’a aucune curiosité scientifique pour les éventuelles modifications génétiques involontaires qui aboutissent à des caractéristiques inattendues (ou à des caractères non documentés) qui, en réalité, font partie du phénotype de la plante, c’est-à-dire de ses caractéristiques observables lorsqu’elle est cultivée dans une série de conditions dans l’environnement. L’hypothèse selon laquelle l’ACIA sait déjà tout ce qu’elle doit savoir sur les plantes génétiquement modifiées qui n’ont pas encore été développées et peut donc les approuver à l’avance est extrêmement irresponsable.

Les orientations proposées s’appuient sur des entreprises privées pour déterminer si leur produit est soumis à la réglementation, et il n’y a donc pas de transparence quant aux recherches qui appuient leurs décisions, le cas échéant. L’ACIA ne peut donc pas évaluer les conclusions de l’entreprise. Si une entreprise décide que son produit doit être approuvé par l’ACIA, cette dernière se contente d’examiner les données fournies par l’entreprise. Les informations soumises pour les approbations réglementaires sont considérées comme des informations commerciales confidentielles et ne peuvent être divulguées en vertu de la loi sur l’accès à l’information. Refuser l’accès du public aux données n’est pas scientifique, car le processus scientifique est basé sur l’ouverture. La science progresse grâce à l’examen des études par les pairs, à la reproduction des expériences et à l’application de nouvelles idées pour tester les conclusions passées. En protégeant et en encourageant le secret des données utilisées pour soutenir les approbations et commercialiser les produits, l’ACIA contredit son engagement déclaré en faveur d’une prise de décision fondée sur la science et sape la confiance du public à l’égard de l’autorité de réglementation et des plantes réglementées.

Atteinte prévisible aux marchés sensibles

Les nouvelles technologies génétiques sont controversées. Il existe des marchés sensibles où les plantes génétiquement modifiées ne sont pas acceptées par les consommateurs et/ou où les réglementations nationales exigent des approbations gouvernementales rigoureuses. Tous les pays n’ont pas encore finalisé leur approche réglementaire des plantes génétiquement modifiées. Les orientations réglementaires proposées par l’ACIA exempteraient de nombreuses plantes génétiquement modifiées non seulement de toute évaluation environnementale, mais aussi de toute obligation de notification au public. Il n’y aurait aucune transparence quant à la question de savoir si une nouvelle variété cultivée au Canada est le produit de l’édition de gènes. Pour les marchés sensibles, cela pourrait se traduire par le rejet des exportations canadiennes de cultures dont on sait ou dont on soupçonne qu’elles contiennent des variétés génétiquement modifiées. Lorsque le lin canadien a été contaminé par la variété de lin génétiquement modifiée Triffid, dont l’homologation a été retirée, tous les fermiers, que leurs semences aient été contaminées ou non, ont subi des pertes en raison du rejet généralisé du marché et du coût de la remise en état de l’approvisionnement en semences de lin. Une situation similaire est prévisible à la suite de l’exemption de nombreuses plantes génétiquement modifiées de la réglementation canadienne.

Plus récemment, les Grain Farmers of Ontario, l’Ontario Agri Business Association et Seeds Canada ont mis en garde les fermières contre plusieurs variétés de maïs génétiquement modifié vendues au Canada qui ne sont pas approuvées pour le marché européen. La responsabilité de protéger ce marché et d’éviter une nouvelle situation de lin Triffid incombe désormais aux fermiers individuels, même si ce risque aurait pu être évité en retardant l’approbation de ces variétés jusqu’à ce qu’elles soient acceptées par l’Europe, ou en avertissant au moins les fermiers de ces faits avant qu’ils n’achètent des semences. Tous les fermiers canadiens qui cultivent du maïs sont affectés par les réductions de prix qui résultent de ce risque accru de perte de marché due à la contamination.

Les normes internationales relatives à la production biologique certifiée (3), ainsi que la norme biologique canadienne(4), interdisent l’utilisation de plantes génétiquement modifiées, y compris celles développées à l’aide de la technologie de l’édition génétique. Sans notification publique de toutes les variétés génétiquement modifiées, les fermières biologiques risquent de planter par inadvertance des semences interdites et de contaminer des cargaisons biologiques en vrac. Cela porterait préjudice à l’agriculteur individuel, aux agriculteurs dont les céréales ont été mélangées à la variété interdite, et potentiellement à tous les agriculteurs cultivant cette culture si un rejet généralisé se produisait sur les marchés importants.

La pollinisation croisée de cultures conventionnelles avec des variétés génétiquement modifiées est une autre voie de contamination et de perte de marché. Bien que les orientations de l’ACIA incluent la prise en compte du flux génétique comme facteur permettant de déterminer si une nouvelle plante doit être réglementée, l’ACIA n’a pas pris en compte l’impact de ce risque sur les fermières dont les moyens de subsistance seraient affectés. La luzerne génétiquement modifiée a été approuvée alors que l’ACIA savait parfaitement que la luzerne est une culture à pollinisation par les insectes et que la luzerne sauvage poussant dans les fossés, les anciens champs de foin et sur d’autres terres non agricoles serait un vecteur de flux génétique incontrôlé. Étant donné que la luzerne génétiquement modifiée a été approuvée en tant que VCN, une variété de luzerne génétiquement modifiée qui ne contient pas d’ADN étranger ou dont les caractéristiques sont jugées substantiellement équivalentes à celles de la luzerne approuvée résistante au glyphosate et/ou à faible teneur en lignine serait exemptée de l’application de la partie V en vertu de la proposition d’orientation.

Le public canadien en général, et les fermiers canadiens en particulier, ne devraient pas être confrontés à des produits inconnus et non identifiés issus de l’édition de gènes et dont la dissémination dans l’environnement n’a pas été évaluée par l’ACIA. Les orientations réglementaires proposées permettraient aux développeurs de plantes de commercialiser des variétés génétiquement modifiées auprès des fermières sans révéler qu’elles sont issues de cette technologie. Une nouvelle situation de Triffid serait pratiquement inévitable.

Obligation de réglementer dans l’intérêt public

L’énoncé des valeurs de l’ACIA comprend : « Nous maintenons notre indépendance réglementaire par rapport à toutes les parties prenantes externes. Nous avons le courage de prendre des décisions et de formuler des recommandations difficiles et potentiellement impopulaires, sans parti pris personnel ».

Des documents publiés sur le site Web de Santé Canada indiquent que l’ACIA a été incluse en tant qu’observateur dans le groupe de travail Santé-Canada/Industrie chargé d’éclairer l’élaboration d’orientations pour le règlement sur les aliments nouveaux, axé sur la sélection végétale, qui a été créé pour « éclairer l’élaboration d’un projet d’orientations pour le règlement sur les aliments nouveaux, axé sur la sélection végétale, avant la consultation officielle ». Ses membres étaient des cadres supérieurs de Santé Canada et des représentants de CropLife Canada, du Conseil des céréales du Canada et de l’Association canadienne du commerce des semences (ACCS). CropLife et le CSTA sont des groupes de pression nationaux qui représentent les parties réglementées – les développeurs de semences qui cherchent à commercialiser des cultures génétiquement modifiées. Le Conseil des céréales du Canada compte parmi ses membres CropLife et le CSTA (aujourd’hui Seeds Canada), ainsi que des entreprises telles que Bayer, Syngenta et BASF, qui sont également membres de CropLife et du CSTA, et le vice-président de CropLife Canada siège à son conseil d’administration. Les entreprises de biotechnologie que ces associations représentent seront les principales bénéficiaires d’une orientation qui exclut les plantes génétiquement modifiées des évaluations de sécurité du gouvernement et de la divulgation publique. Il semble que des aspects essentiels des orientations proposées, tels que la divulgation volontaire avant la mise sur le marché et l’exclusion des modifications « au sein du patrimoine génétique » (absence d’ADN étranger) du déclenchement de la réglementation en vertu de la partie V du règlement sur les semences, aient été demandés par ces groupes industriels et aient été incorporés dans les orientations réglementaires de l’ACIA ainsi que dans les orientations proposées par Santé Canada. Cela donne la forte impression que les orientations réglementaires proposées ont été élaborées dans l’intérêt des parties réglementées et que l’intérêt public plus large n’a pas été dûment pris en considération.

En tant que régulateur public, habilité par des lois et des règlements adoptés par des membres du Parlement démocratiquement élus, l’ACIA est responsable devant le public, et non devant les entreprises qu’elle réglemente. Elle a le devoir de protéger l’intérêt public. Les orientations réglementaires proposées déchargent l’ACIA de ses responsabilités en créant un mécanisme permettant de réduire et de minimiser progressivement sa surveillance des semences génétiquement modifiées. Cela est contraire à l’intention de la partie V du règlement sur les semences et doit donc être rejeté. Toutes les plantes génétiquement modifiées, y compris celles développées à l’aide de la technologie d’édition de gènes, doivent être soumises à la réglementation de la partie V du règlement sur les semences.

Les résultats de l’édition de gènes ne peuvent être connus à l’avance. Les connaissances scientifiques augmentent constamment grâce à un processus permanent d’investigation, de vérification et de réfutation d’hypothèses, de publication de résultats et de conception de nouvelles expériences. La technologie d’édition de gènes est nouvelle et puissante, les changements qu’elle peut apporter aux génomes – même « à l’intérieur du génome » – sont significatifs. Les produits issus de l’édition de gènes seront des organismes vivants capables de se reproduire de manière indépendante. Une approche réglementaire qui dit « nous n’avons pas besoin de savoir » avant que des produits génétiquement modifiés ne soient mis sur le marché est fondamentalement non scientifique. Une orientation réglementaire qui prive le régulateur de toute capacité d’évaluer, d’examiner et de réglementer la plupart des nouvelles plantes génétiquement modifiées va à l’encontre de la responsabilité. La création d’un mécanisme permettant de commercialiser ces produits sans les identifier comme étant issus de l’édition de gènes va à l’encontre de la transparence.

Recommandations de l’UNF :

Toutes les plantes génétiquement modifiées, y compris celles développées à l’aide de la technologie d’édition génétique, devraient être réglementées en tant que VCN et donc soumises à la partie V du règlement sur les semences. Cela permettrait à l’ACIA de conserver sa capacité à réglementer les semences génétiquement modifiées dans l’intérêt du public.

L’UNF réitère également les commentaires soumis à ce processus de consultation par le Réseau canadien d’action sur les biotechnologies, qui peuvent être consultés à l’adresse suivante : https://cban.ca/wp-content/uploads/CBAN-response-CFIA-consultation-questionnaire-2021.pdf.
L’UNF apprécie l’opportunité de fournir des commentaires pour aider l’ACIA à prendre des décisions éclairées sur des questions d’une importance cruciale. L’UNF est favorable au dialogue et encourage le personnel de l’ACIA à nous contacter si nous sommes en mesure d’apporter des éclaircissements ou de fournir des informations supplémentaires sur le sujet.

Tout ceci est respectueusement soumis par
L’Union Nationale des Fermiers
15 septembre 2021

Références :

(1) Règlement sur les semences, partie V – Mise en circulation des semences https://laws-lois.justice.gc.ca/eng/regulations/c.r.c.,_c._1400/page-20.html#h-511799

(2) Directive 94-08 (Dir 94-08) Critères d’évaluation pour la détermination de la sécurité environnementale des plantes à caractères nouveaux, 2.1 Détermination de la nouveauté https://inspection.canada.ca/plant-varieties/plants-with-novel-traits/applicants/directive-94-08/eng/1512588596097/1512588596818#a21

(3) Prise de position : Génie génétique et organismes génétiquement modifiés, adoptée par l’IFOAM – Organics International World Board au nom du mouvement biologique mondial, novembre 2016. https://www.ifoam.bio/sites/default/files/2020-03/position_genetic_engineering_and_gmos.pdf

(4) Systèmes de production biologique : Principes généraux et normes de gestion, CAN/CGSB-32.310-2020 Corrigendum No.1, mars 2021, Office des normes générales du Canada. https://publications.gc.ca/collections/collection_2020/ongc-cgsb/P29-32-310-2020-eng.pdf