Un carburant d’aviation durable ? L’Union nationale des fermiers prend la parole lors d’une grande conférence nord-américaine
HOUSTON, TX— « Les compagnies aériennes et les entreprises du secteur de l’énergie sont à la veille d’un mégaprojet : remplacer les carburants de la flotte mondiale par des matières premières agricoles », a déclaré Darrin Qualman, Directeur de la politique et de l’action de l’UNF en matière de crise climatique. Il s’exprimait à l’occasion de la conférence « Sustainable Aviation Futures North America » qui s’est tenue pendant trois jours à Houston, au Texas.
M. Qualman a déclaré aux délégués de la conférence que l’ampleur du plan aurait de nombreux effets négatifs. « L’élimination de milliards de tonnes de biomasse des terres agricoles du monde entier ralentira le piégeage du carbone dans les sols et créera des risques pour la santé des sols. La culture et l’élimination de cette biomasse rendent également nécessaires des quantités accrues d’engrais azotés, ce qui augmentera les émissions de gaz à effet de serre dans les exploitations agricoles. La production de cultures énergétiques nécessitera des millions d’hectares, concurrencera les cultures vivrières et fera grimper les prix dans les épiceries », explique M. Qualman.
Les gouvernements se sont engagés à réduire à zéro les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050. Cela pose un problème aux compagnies aériennes et à l’augmentation de leurs émissions. Le plan du secteur consiste à abandonner les combustibles fossiles au profit des carburants aéronautiques durables (CAD). Pour l’essentiel, il s’agit d’alimenter les avions à réaction à partir de terres agricoles. Dans un premier temps, les matières premières limitées des CAD proviendront de cultures : maïs, soja et canola. La deuxième phase, beaucoup plus ambitieuse, consistera à utiliser d’autres matières premières agricoles, principalement des résidus de culture tels que la paille et les cannes de maïs, ainsi que des dizaines de millions d’hectares de cultures énergétiques à usage spécifique : des herbes à croissance rapide et des arbres cultivés.
Une troisième phase est proposée : transformer l’air (source de carbone) et l’eau (source d’hydrogène) en carburants liquides à base d’hydrocarbures en utilisant de l’électricité renouvelable, mais ces projets sont coûteux et probablement non extensibles, car ils nécessitent, selon de nombreuses estimations, des quantités d’électricité à peu près égales à la production mondiale actuelle.
« L’ampleur du mégaprojet CAD est stupéfiante. Les compagnies aériennes prévoient de doubler le nombre de vols d’ici à 2050. Pour alimenter tous ces vols, elles auront besoin de plus de 130 milliards de gallons de carburant par an, soit environ un demi-milliard de litres. Pour produire ne serait-ce que la moitié de ce volume à partir de matières premières d’origine agricole, il faudra un à deux milliards de tonnes de biomasse par an. Selon les associations du secteur aérien, les investissements nécessaires à la construction de milliers d’installations de production s’élèvent à 4 ou 8 billions de dollars d’ici à 2050 », a déclaré M. Qualman.
M. Qualman a fait remarquer que le projet CAD n’est qu’un des nombreux plans visant à exploiter de plus en plus les terres agricoles, notamment : nourrir des milliards de personnes supplémentaires à mesure que la population augmente, produire des milliards de tonnes de biomasse par an pour produire de l’électricité à émissions négatives (ce que l’on appelle la bioénergie avec captage et stockage du carbone, BECCS), produire des biomatériaux pour remplacer les plastiques, produire des biofibres pour remplacer les fibres et les tissus dérivés du pétrole, etc. Et nous allons essayer de faire tout cela à partir d’une base agricole mondiale qui sera de plus en plus malmenée par les impacts climatiques.
« Nous prélevons déjà trop sur les terres agricoles de la planète, et de nombreuses nouvelles demandes sont prévues. Il n’y a tout simplement pas assez de terres agricoles, de biomasse, de sols, d’eau ou de capacité de production pour fournir les matières premières des CAD dans les quantités proposées. Essayer de le faire, c’est risquer un triple échec : ne pas réussir à décarboniser l’aviation, ne pas assurer la sécurité alimentaire et ne pas sauvegarder nos terres agricoles et notre biosphère assiégée ».
—30—
Pour plus d’information :
Darrin Qualman, Directeur de la politique et de l’action de l’UNF en matière de crise climatique, (306) 230-9115, qualman@nfu.ca